L’écart entre le pouvoir et la société se creuse de manière inexorable en Iran. La manière dont le Guide Suprême iranien a décidé d’orchestrer la campagne présidentielle, a marqué un tournant sur la scène politique iranienne. Le jeu des « modérés » face aux « dures » est décidément terminé pour Ali Khamenei, au grand dam des tenants de la politique de complaisance en Occident.
Le régime religieux, qui a eu beau jeu pendant des années à nourrir l’espoir de réformes au sein du pouvoir, est contraint aujourd’hui d’avancer à visage découvert. Le dictateur iranien a en effet choisi de jeter les masques pour préserver la cohésion de son régime gravement menacé de l’intérieur par la gronde sociale.
Pour arriver à ses fin, Ali Khamenei a décidé d’écarter de la course électorale tous les candidats qui auraient pu menacer le succès de son favori, le radical Ebrahim Raïssi. La « victoire » de ce religieux docile et sans envergure, permettra au Guide de renforcer son emprise sur l’exécutif pour mieux mater la société bouillonnante. Or, cette stratégie est à double tranchant : l’éviction de la faction dite « modéré » et le nouveau caractère monolithique du pouvoir, risque d’aliéner la base déjà très réduite du régime et fragiliser davantage ce dernier.
Tout au long de sa carrière, Raïssi a incarné la brutalité du régime totalitaire. En 1988, il a joué un rôle de premier plan dans le massacre des prisonniers politiques à l’instigation d’une fatwa de Rouhollah Khomeiny, fondateur de la « République islamique ». L’édit religieux a taxé les sympathisants de l’OMPI, la principale force de l’opposition démocratique, d’ennemis de Dieu ou Moharebeh ; quelques 30 000 prisonniers ayant refusé de renoncer à leurs convictions, sont alors montés sur l’échafaud.
Tous les indicateurs sont au rouge
Après plus de quarante de pouvoir islamiste, les indicateurs sont au rouge sur tous les fronts. La gestion chaotique de la pandémie de coronavirus, qui a fait plus de 312.200 morts selon les estimations du CNRI, est venue exacerber le ressentiment de la population à l’égard du Guide, qui a cherché jusqu’au bout à cacher l’étendu de la crise sanitaire et à interdire l’importation de vaccins britanniques et américains.
Pourtant, le principal grief de la population envers le régime, c’est d’observer le naufrage d’un pays aussi riche que l’Iran, avec ses immenses ressources naturelles et le talent inépuisable de sa population jeune, éduquée et motivée. Où sont passés les milliers de milliards de dollar de la manne pétrolière, demande la population dont 80 % vit sous le seuil de pauvreté ? Qu’aurait-on pu construire avec les revenus de ce grand pays, si la priorité de ses dirigeants avait d’abord été la prospérité de sa population, dont deux à cinq millions souffriraient de la faim ?
Pas besoin d’être sorcier pour parvenir à identifier les causes de la gabegie provoqué par les mollahs : des dépenses extravagants pour maintenir en place la grosse machine répressive des pasdaran à l’intérieur et financer les milices extrémistes inféodés dans la région, des investissement militaires colossaux pour sauver le dictateur syrien face à la fronde de son peuple et des centaines de milliards de dollars dépensés pour produire des armes nucléaires et des missiles balistiques menaçantes… La dilapidation des richesses nationales est la conséquence des visés expansionniste d’un régime mû par l’idéologie islamiste que les dirigeants cherchent à exporter dans la région et au-delà. Objectif ? Compléter l’axe chiite d’abord et l’empire islamique ensuite, tel que conçu par Rouhollah Khomeiny, fondateur du premier Etat intégriste ou Califat du monde contemporain.
Une nouvelle ère commence pour le régime
Le problème avec le régime iranien c’est surtout sa nature inquiétante et son caractère irréformable. Tous ceux qui avaient investi, par naïveté ou par lâcheté, dans la capacité du régime à s’ouvrir, ont dû déchanter avec Raïssi président. Ils s’étaient laissés berné par des mollahs iniques et sans vergogne malgré les appels à la vigilance des démocrates iraniens. Ceux qui ont cyniquement accommodé Téhéran en multipliant les concessions et en fermant les yeux sur le malheur du peuple iranien pour obtenir les faveurs de ses tyrans, doivent aujourd’hui reconnaitre leur profond mépris et s’amender.
Le malheur du régime iranien c’est qu’il est confronté à un peuple conscient et combatif. Si Ali Khamenei mise sur le durcissement de son régime pour faire barrage à la fronde populaire, les opposants et les militants de la résistance iranienne sont nombreux à préparer sa chute. Ces trois dernières années ont vu trois grandes révoltes, avec un lourd bilan de manifestants tués et torturés : en décembre 2017 et janvier 2018, en novembre 2019 et en janvier 2020.
Avec sa décision définitive de mettre à bas tout espoir de changement pacifique et de réforme, avec sa décision fatale d’écarter du jeu politique les opposants internes et les factions rivaux de son propre système, Ali Khamenei a fait un pari hautement risqué. Avec un pouvoir monolithique sous contrôle exclusif des radicaux, ce repli extrémiste va confirmer l’aliénation de la base du régime et décevoir irrémédiablement tous ceux qui avaient voulu croire à l’improbable rédemption des mollahs.
Ainsi, une nouvelle ère commence pour le régime dans sa confrontation avec le peuple iranien. Le boycott massif de la farce électorale a mis en évidence ce tournant important. Débarrassé des dernières bribes de légitimité, mis à nue dans sa dérive totalitaire, le dernier bras de fer entre les « dirigeants » et les « dirigés » de la société iranienne risque d’être à la fois violent et rapide.
Maryam Radjavi, dirigeante de la résistance iranienne, a qualifié le succès du boycott général comme « l’expression du vote du peuple iranien pour un changement de régime ».
Avec cette nouvelle tournure de la donne politique iranienne, l’attitude de la communauté internationale n’échappera pas aux yeux et aux cœurs des Iraniens. Ces derniers exigent la fin de la politique éhonté de complaisance de l’Europe et des Etats-Unis, la traduction en justice des responsables du terrible crime contre l’Humanité resté impuni depuis 1988, la reconnaissance du droits de ce courageux peuple à résister face à la tyrannie. Est-ce que le monde saura saisir ce moment historique pour dessiner une nouvelle ère d’amitié et de solidarité avec les aspirations de liberté et de justice de l’antique pays ?
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