« La situation des droits de l’homme en Iran s’invite une fois de plus à l’occasion d’une session du Conseil des droits de l’homme. J’allais dire une fois de trop parce que ce Conseil des droits de l’homme ne manque ni de rapports ni de témoignages. Mais force est de constater que malgré les éléments accablants en constante aggravation, au mépris des droits de l’homme et des conventions internationales, c’est un long chemin, un chemin très long, beaucoup trop long.
Il ressort un sentiment d’impunité du régime en Iran, en interne même, au sein même de ces autorités iraniennes. Mais il en ressort aussi un arrière-goût comme quoi les institutions internationales ne démentent pas ce sentiment d’impunité, donc concrétiser les procédures engagées devant l’ONU sur les massacres de 1988 en particulier, je dis bien en particulier, mais malheureusement, sur tous les massacres qui se sont poursuivis en 2009 ou en 2017, concrétiser ces procédures, ce serait non seulement un acte de justice, certes, mais ce serait surtout un acte de fermeté, un acte opportun de la part des démocraties et de l’ONU. Et je dirais même encore plus opportun qu’on ne le pense par les temps qui courent et qui dépasse la situation de l’Iran.
La voix des démocraties est une arme
La voix des démocraties est une arme dont elles doivent se servir. Et ce rapport de Javaid Rehman est un rapport important parce qu’il confirme tous les rapports précédents, mais surtout, il argumente sur la violence, sur la violation flagrante des droits de l’homme commises en Iran. La manière affligeante dont les autorités considèrent les mécanismes internationaux de défense des droits de l’homme. Il argumente sur l’utilisation d’aveux obtenus par la torture en tant qu’élément de preuve. Ces allégations de torture ne faisaient toujours l’objet d’aucune enquête.
Il faut savoir qu’en 2021, l’année dernière, au moins 275 personnes ont encore été exécutées en Iran. Ce rapport établit les graves lacunes qui ont été observées dans le cadre juridique et dans le cadre du système de justice. Il établit la violation systématique du droit à une procédure régulière et un procès équitable.
Il argumente sur le recours illégal à la force dans les proportions alarmantes dans des lieux de détention et dans le cadre de réunions pacifiques. Et tout cela sans que les autorités locales iraniennes n’enquêtent sur ces faits ni n’interviennent pour traduire en justice les responsables. Donc, aucune enquête interne et on va dire, non pas une incapacité, mais peut être un élan qui n’est pas encore aussi fort qu’il ne le faudrait pour qu’il y ait une enquête internationale.
Les conditions carcérales
Ce rapport cible aussi les conditions carcérales. Les conditions de détention en surpopulation, tout ce qui fait que le respect de la vie humaine n’est pas respecté, tout simplement. La condition des personnes étrangères qui ont la double nationalité et qui sont utilisées comme des moyens de pression sur les gouvernements étrangers. Les atteintes au droit à la liberté d’expression, d’association, de réunion.
Ce rapport est très complet et il va très loin et va même jusqu’à donner des arguments à l’ONU, qui pourtant a pris des résolutions et des textes très forts en direction des personnes qui vivent dans une pauvreté absolue, incapables de subvenir à leurs besoins les plus fondamentaux, comme l’accès à la nourriture, mais aussi à l’eau, au logement et à l’éducation.
Ce rapport nous dit que 28 millions d’Iraniens vivent dans des zones sujettes à des pénuries d’eau, principalement dans les régions du centre et du sud du pays. L’accès à l’eau potable est un droit en soi. Il est inséparable du droit au meilleur état de santé possible et il est donc protégé par les articles 11 et 12 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.
Ce rapport cite aussi les atteintes faites à la situation des femmes et des filles, depuis qu’en novembre dernier, une loi a été votée sur ce sujet et qui leur porte préjudice ou sur la situation des minorités ethniques et religieuses.
Imprescriptibilité
Que faudrait-il de plus pour que les États entendent, lisent, réagissent, s’insurgent, dénoncent ?
Mais ce rapport apporte un élément qui est fondamental pour tous ceux qui se battent depuis 1988 pour la reconnaissance des massacres de 1988. C’est que ce rapport cite nommément ces massacres dans les exemples des cas qui ont été et qui sont restés impunis dans ce pays et à l’international.
C’est pourquoi il s’agit certes de dénoncer l’impunité institutionnelle en Iran et je dirais même de dénoncer l’impunité de l’Iran. Et il s’agit également de juger les obstacles à l’établissement des responsabilités. Le rapporteur spécial prie instamment la communauté internationale de demander que soient traduits en justice les responsables de faits anciens qui, à ce jour, restent impunis, dont le premier d’entre eux à la tête de l’Etat.
Il faut le dire et répéter qu’il n’y aura pas de prescription. Ce combat contre les auteurs de ces crimes continuera. Il faut qu’ils le sachent. L’imprescriptibilité est essentielle. Fort heureusement, mais elle ne peut se satisfaire de cette qualité pour retarder le temps de l’action et aggraver, pendant ce temps qui passe, le nombre de victimes de ce régime. Donc la société civile, en marge de ce Conseil des droits de l’homme, demande aux États de prendre leurs responsabilités, maintenant qu’ils ont tous ces rapports en main, dont celui-ci. Qu’ils prennent ces responsabilités sans trembler devant les dictatures qu’on a parfaitement identifié en Iran et que chaque jour qui passe nous montre qu’elles ne sont pas qu’en Iran et qu’il faut que les voix des démocraties soient une arme qui soit à leur disposition, qu’elles s’en servent.
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