CSDHI - La prisonnière politique iranienne Narges Mohammadi a écrit une lettre ouverte demandant à Jafari Dowlatabadi, procureur général de Téhéran, à cesser de s’opposer à son traitement médical.
Selon sa lettre, Mohammadi n’a pas été autorisée à voir un médecin à l’extérieur de la prison depuis un an et demi bien qu’elle souffre d’affections mettant sa vie en danger, notamment des convulsions et des caillots sanguins.
« Je ne m'engagerai pas dans des peines injustes contre moi », écrit-elle, « mais je demande à Votre Excellence de prendre au moins des mesures pour me permettre d'avoir accès à un traitement médical et à des médecins spécialistes qui ont pris soin de moi depuis des années, ainsi qu’un accès aux médicaments ».
Les prisonniers politiques en Iran, y compris les détenus âgés, sont soumis à un traitement sévère, qui inclut souvent le refus de soins médicaux. La menace d'abandon des soins médicaux a également été utilisée comme un instrument d'intimidation à l'encontre des prisonniers qui ont contesté les autorités ou déposé des plaintes.
Le Centre pour les droits de l'homme en Iran (CHRI) a révélé en 2016 que les prisonniers politiques incarcérés dans le quartier des femmes de la prison d'Evine endurent des conditions de détention inhumaine, notamment le déni de soins médicaux appropriés dans une infirmerie de la prison qui est sale et manque de fournitures et de médecins spécialistes, refus ou retard de transfert à l'hôpital et chez des spécialistes pour le traitement de maladies graves, nutrition inadéquate et manque ponctuel de chauffage.
En vertu de l’article 520 du code de procédure pénale iranien, les détenus souffrant de maladies aiguës ont droit à cinq jours de congé, à condition d’être approuvés par le procureur. L'article 522 dispose que les détenus qui ont besoin d'un traitement médical en dehors de la prison pour des problèmes non urgents peuvent être libérés pendant une période déterminée par un juge du tribunal pénal. (Ces articles et informations sur le cas de Mohammadi figurent au bas de la lettre de celle-ci).
Votre Excellence, M. Jafari Dowlatabadi
Honorable procureur de Téhéran
Avec mes salutations et mon respect,
Pour des raisons inconnues, je n'ai pas été transférée pour pour recevoir des soins médicaux depuis longtemps et mes enquêtes en prison, ainsi que par l'intermédiaire d'avocats à l'extérieur de la prison, n'ont eu aucun résultat.
Lorsque Votre Excellence m'a rendu visite à la prison d'Evine, alors que j'étais placée en isolement dans la section 209, vous avez été informé de l'affaire fabriquée contre moi par le ministère du renseignement et vous avez alors compris que l'allégation de l'enquêteur concernant la confiscation d'une camionnette plein de tracts chez moi était un mensonge et vous avez émis une ordonnance de révision pour me garder en détention provisoire. Pourtant, j'ai été condamnée à six ans de prison.
En 2011, vous vous êtes rendu compte que M. Reshteh Ahmadi, l'autorité judiciaire responsable du tribunal de la prison d'Evine, avait fabriqué une lettre pour moi et ordonné mon transfert illégal dans la salle réservée aux femmes de la prison de Zanjan et que j'y ai été enfermée pendant plusieurs mois.
Même si j'étais en parfaite santé avant d'être détenue, j'ai subi plusieurs crises nerveuses en raison de pressions psychologiques en isolement cellulaire dans le quartier 209 et j'ai fait plusieurs convulsions à la prison de Zanjan, au sujet desquelles il existe des dossiers médicaux et des scanners du cerveau effectués à l'hôpital Valiasr, à Zanjan qui ont été marqués confidentiels.
Malheureusement, en 2016, vous avez à nouveau été témoin d’une lourde peine infligée à mon encontre et j’ai été condamnée à 16 ans de prison, car le représentant de Votre Excellence a pleinement coopéré avec le juge impartial.
Au lendemain de cette peine injuste, ce qui est important, c’est la façon dont je suis traitée dans le quartier réservé aux femmes de la prison d’Evine. Je n'ai pas reçu de traitement médical depuis longtemps sans aucune explication.
1- Selon des documents médicaux et des preuves, il y a quelque temps, on m'a diagnostiqué une embolie pulmonaire, qui nécessite des soins médicaux ainsi que des tests rigoureux. Cela fait au moins un an et demi que j’ai vu pour la dernière fois le médecin spécialiste qui me traite depuis des années. Par l'intermédiaire de mon avocat, il a adressé plusieurs demandes aux autorités judiciaires et pénitentiaires pour obtenir l'autorisation d’une visite médicale.
2- En raison de l'utilisation de pilules anticoagulantes telles que Warfarin, j'ai développé une maladie féminine pour laquelle le dernier traitement médical que j'ai reçu remonte à 2017 et depuis lors, je n'ai pas pu consulter mon médecin de longue date. Dans l'intervalle, il est très évident que j'ai besoin d'un traitement de la part d’un spécialiste, car je prends des agents contre la coagulation sanguine pour mon embolie pulmonaire et des pilules de coagulation afin de prévenir les saignements vaginaux, mais aucune mesure n'a été prise.
3- Après deux ans de retard et beaucoup de douleur et de souffrance, j'ai subi une opération de la vésicule biliaire et lors d'une endoscopie de mon œsophage, les médecins ont découvert un patch d'entrée qui ne pose pas de problème particulier pour le moment, mais je crains que cela ne devienne problématique dans le futur. Le médecin qui présidait a soumis un rapport détaillé à la prison accompagné de photographies et a recommandé que le professeur Malekzadeh et mon médecin personnel me consultent dans un hôpital en septembre de cette année, mais cela ne s'est pas produit.
4- Après une incarcération prolongée en isolement cellulaire dans les quartiers 209 (de la prison d'Evine) et de Zanjan, j'ai fait des crises d'épilepsie et j'ai été placée sous la surveillance d'un neurologue, mais je n'ai pas pu lui rendre visite depuis longtemps.
Monsieur le Procureur,
Malheureusement, je n'ai aucun espoir que le système judiciaire respecte le principe d'équité et de justice. Par conséquent, je ne parlerai pas des peines injustes, mais je demande à Votre Excellence de prendre au moins des mesures pour me permettre d’avoir accès à un traitement médical et aux médecins spécialistes qui prennent soin de moi depuis des années, ainsi qu’un accès aux médicaments.
Je n’ai pas l’intention d’exagérer mes maladies et je n’approuve pas de telles tactiques de la part de qui que ce soit, y compris de moi-même. Mais je crois que c'est injuste pour ceux qui sont plus malades que moi. Permettez-moi de vous rappeler que, lorsque l'œil du Dr Alireza Rajaee a été enlevé, j'ai lu l'interview du chef du pouvoir judiciaire adjoint, Gholam-Hossein Mohseni Ejei dans laquelle il a nié toute responsabilité au nom du pouvoir judiciaire .
De plus, quand j’ai appris la nouvelle de la mort du Dr. Kavous Seyed-Emami, j’ai encore lu une interview de M. Ejei qui niait la responsabilité du pouvoir judiciaire.
1- Comme je l'ai mentionné plus tôt, mon médecin a déclaré que le patch d'entrée dans mon œsophage n'était pas problématique à l'heure actuelle, mais qu'il pouvait devenir une source de préoccupation et que les personnes qui en souffraient avaient besoin d'attention, loin d’environnements stressants. Depuis le diagnostic, je n'ai pas eu l'autorisation de voir mon médecin.
2- L’utilisation de pilules anti-coagulation du sang ainsi que de pilules de coagulation a été qualifiée d’inquiétante par les médecins spécialistes et de nombreux rapports documentés à ce sujet dans mon dossier ont même été confirmés par le médecin de la prison. Si ces maladies ne sont pas traitées, elles pourraient mettre ma vie en danger et c'est pourquoi je suis obligée d'écrire cette lettre ouverte. De toute évidence, le pouvoir judiciaire sera responsable si ma vie est en danger.
Copies : Ministre de la Justice, Ministre de la Santé, Comité parlementaire de la santé
Narges Mohammadi, le 28 novembre 2018
Source : Le Centre pour les droits de l’homme en Iran
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