Comme des centaines d’autres jeunes qui sont descendus dans la rue, pour rejoindre les manifestations en Iran, dans les dernières semaines, l’activiste iranien a fait du renversement du régime des ayatollahs le combat de sa vie — même s’il sait très bien que cette lutte pourrait le conduire à son dernier souffle. « Ma vie n’aurait aucune valeur si je ne faisais pas ce que je fais en ce moment [m’opposer à la République islamique] », dit-il au Devoir, d’une voix douce et posée.
Même s’il se dit persuadé que le régime iranien surveille ses activités, Shahriyar Shams accepte que son nom soit publié dans le journal — ce à quoi peu d’opposants au régime, qui sont toujours en Iran, consentent. Le jeune homme, à la plume incisive, est également actif sur Twitter.
« On connaît tous les risques. Mais c’est comme ça qu’on pourra parvenir à l’objectif qu’on recherche [le renversement du régime des ayatollahs] », explique-t-il, avec un courage déconcertant.
En 2017, alors qu’il était âgé de 18 ans, Shahriyar Shams a été arrêté une première fois pour avoir participé à une manifestation contre le régime Khameini. Accusé de rassemblement et de collusion en vue d’agir contre la sécurité nationale, de propagande contre l’État et d’agitation de la conscience publique, le jeune Iranien a reçu une peine de trois ans et demi de prison, en plus de se voir interdire de participer à toute activité sociale pendant deux ans.
Comme tant d’autres, l’étudiant universitaire a été envoyé à la prison d’Evin, où de nombreux prisonniers ont été torturés et ont même trouvé la mort au fil des ans, dont la photojournaliste canado-iranienne Zahra Kazemi, morte en 2003. Après un an derrière les barreaux, Shahriyar Shams a été relâché en septembre 2021. « J’ai subi de la pression psychologique, mais pas de torture physique », témoigne-t-il.
Balles de peinture
Lorsque les Iraniens sont sortis à nouveau dans la rue à la mi-septembre, dans la foulée de la mort de Mahsa Amini, Shahriyar Shams était encore une fois du nombre.
Il rapporte que les forces de répression iraniennes ont tiré, entre autres, des balles de peinture (paintball) sur les manifestants. « Comme ça, ils peuvent retrouver par la suite les personnes qui ont participé aux manifestations, puisque ça laisse des traces de peinture et des hématomes sur les corps », explique l’activiste.
Le 26 septembre dernier, Shahriyar Shams a été arrêté chez lui à Téhéran, avec des ecchymoses toujours visibles sur son corps. Pour une deuxième fois, il a pris la direction de la prison d’Evin. Pendant trois semaines, le jeune homme dit avoir subi 17 interrogatoires s’étirant pendant de quatre à six heures chacun.
Les forces de l’ordre l’ont notamment questionné sur les entrevues qu’il a données à des médias jugés hostiles, sur les activités qu’il mène sur son campus et sur l’utilisation et le partage de VPN. « Puisque je suis connu du public, on ne m’a pas infligé de torture, analyse-t-il. Mais il y a des prisonniers, qui ne sont pas actifs publiquement, qui ont subi des blessures physiques. »
Pas de compromis lors des manifestations en Iran
Le 17 octobre, le jeune homme a été relâché sans toutefois connaître la date de son procès. Lorsqu’il s’est entretenu avec Le Devoir quelques jours plus tard, Shahriyar Shams disait n’avoir aucune intention d’interrompre ses activités ou de cesser de participer à des manifestations.
« Je ne vais pas rester assis en voyant les autres se faire tuer, maintient-il. Je dois être leur voix [à ceux qui sont morts] et poser des gestes sans rester en retrait pour protéger ma propre sécurité et ma santé. »
En Iran, il n’y a aucun respect des droits de la personne et des libertés, déplore-t-il. « Ça fait 43 ans qu’on vit sous cette oppression. J’ai reçu une éducation idéologique à l’école et malgré ça, j’ai pu constater la pauvreté, la destruction de l’environnement et l’absence de libertés qui sont toutes entièrement la faute du régime. »
Un régime impossible à réformer, souligne-t-il. « C’est ce que la République islamique nous a prouvé, avec la répression extrême qu’elle déploie continuellement pour n’importe quelle raison », dit Shahriyar Shams. Le jeune activiste rappelle d’ailleurs qu’en 2019, 1500 Iraniens ont été tués par la répression policière déployée pour faire face aux importantes manifestations qui avaient éclaté en réaction à la hausse du prix de l’essence. « Puisqu’il n’y a aucune possibilité de réforme, la seule voie possible, c’est de se débarrasser du régime », clame le jeune homme.
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