Un salaire qui ne couvre pas la moitié du mois
En 2025, le gouvernement iranien a relevé le salaire minimum à 10 millions de tomans, soit environ 118 dollars américains au taux de change actuel de 850 000 IRR pour un dollar américain. Or, les chiffres officiels indiquent que le coût de la vie minimum pour une famille est d’au moins 35 millions de tomans (412 dollars américains). Il en résulte un écart de 72 % entre le salaire et les dépenses de base.
Ce salaire s’épuise à la moitié du mois. Cet écart contraint des millions de travailleurs à cumuler des deuxièmes, voire des troisièmes emplois, à s’endetter et à vivre dans la précarité.
96 % des travailleurs : contrats jetables, vies jetables
Les chiffres du gouvernement indiquent que 96 % des travailleurs iraniens sont employés sous contrat temporaire ou à court terme, privés de sécurité de l’emploi, de retraite et de protection sociale. Cette précarité est aggravée par le fait que 95 % des travailleurs ne possèdent même pas de copie de leur contrat, les laissant sans défense en cas de litige.
Dans le cadre de ce système, les travailleurs peuvent être licenciés du jour au lendemain, sans indemnité, sans explication et sans recours.
Lieux de travail meurtriers
L’Iran se classe au 102e rang mondial en matière de sécurité au travail. Chaque semaine, en moyenne 40 travailleurs meurent au travail. Ils chutent d’un échafaudage, sont écrasés dans des mines, électrocutés sur des chantiers de construction, asphyxiés par des fuites de gaz ou brûlés dans des incendies d’usine.
Au cours de la seule année écoulée, 22,6 % des décès ont été causés par des chutes, 14,2 % par des accidents de la route, 10,5 % par des incendies et 7,6 % par des incidents miniers.
Même en cas de décès, la vérité est obscurcie. Après la violente explosion du port de Rajaei à Bandar Abbas le 26 avril – une explosion qui a secoué des bâtiments sur des kilomètres – le gouvernement a retardé la publication du bilan des victimes. Il a fallu plusieurs jours avant que les autorités n’atteignent le nombre d’au moins 70 morts et plus de 1 200 blessés. Des témoins oculaires estiment que le bilan est plus élevé.
Parallèlement, la Société d’investissement de la sécurité sociale (Shasta), chargée de protéger les fonds de retraite des travailleurs, a subi une baisse de 19 % de ses bénéfices en 2024, selon son dernier rapport financier. Des rapports antérieurs avaient fait état d’une perte nette de 2 268 milliards de tomans, ce qui a suscité des inquiétudes quant à la mauvaise gestion et à la corruption.
Les travailleuses laissées pour compte
La crise frappe plus durement les femmes. Entre 2018 et 2021, 20 % des femmes actives iraniennes ont perdu leur emploi. Celles qui restent gagnent moins, sont victimes de discrimination et de harcèlement, sans grand recours.
En Iran, la Journée internationale des travailleurs n’est pas un jour férié. C’est un jour de deuil, un jour de protestation, un jour où les travailleurs revendiquent ce qui leur a été refusé depuis longtemps :
- Des salaires adaptés au coût de la vie
- Des contrats à durée indéterminée et la sécurité de l’emploi
- Des lieux de travail plus sûrs
- Des logements abordables
- Des syndicats indépendants
- Des comptes à rendre en cas de corruption et de négligence
Pourtant, les manifestations pacifiques de travailleurs se soldent souvent par des arrestations, des intimidations et des licenciements.
Un ouvrier d’usine de Téhéran a résumé ce sentiment : « Nous ne voulons plus être des esclaves. Nous voulons vivre dans la dignité.»
Des chiffres qui ne devraient pas être normaux
Les chiffres — 2 079 décès, 16 273 blessés, 96 % de contrats temporaires, 72 % d’écart salarial — ne sont pas seulement des indicateurs économiques. Ils sont le signe d’injustices, de vies brisées, d’avenirs volés.
Chaque statistique représente une famille endeuillée, un enfant orphelin de père, une mère plongée dans une pauvreté encore plus grande.
À l’approche du 1er mai, les travailleurs iraniens ne réclament pas l’aumône. Ils revendiquent le droit de vivre, de travailler, d’être en sécurité et d’être entendus.





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