Au cours de l’audience de quatre jours, le Tribunal populaire international sur les atrocités commises par l’Iran en novembre 2019 entendra les témoignages de dizaines de personnes, notamment des manifestants, des proches des victimes, des survivants de la torture, des travailleurs de la santé et d’anciens responsables de la sécurité. Plusieurs témoins experts témoigneront également devant le tribunal. Il sera présidé par d’éminents avocats et juges. Parmi ces témoins experts figure Raha Bahreini, chercheur d’Amnesty International sur l’Iran, qui doit comparaître devant le tribunal aujourd’hui à 10 heures (GMT).
« Malgré les appels répétés d’Amnesty International et d’autres organisations, les États membres de l’ONU n’ont toujours pas mandaté une enquête internationale indépendante sur les crimes de droit international et les graves violations des droits humains commis par les autorités iraniennes pendant et après les manifestations de novembre 2019, notamment les homicides illégaux de manifestants et de passants, les arrestations et détentions arbitraires massives, les disparitions forcées et la torture », a déclaré Heba Morayef, directrice régionale d’Amnesty International pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord.
« Il faut mettre fin à l’impunité systématique dont bénéficient les auteurs de cette répression sanctionnée par l’État. Les audiences du Tribunal populaire international sur les atrocités commises en Iran de novembre 2019 sont cruciales pour que ces atrocités ne tombent pas dans l’oubli. Il est crucial que le tribunal incite les États membres de l’ONU à agir, tant lors de la session actuelle de l’Assemblée générale des Nations unies que lors de la prochaine session du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, afin d’ouvrir la voie à l’obligation de rendre des comptes qui fait si cruellement défaut. »
Amnesty International exhorte tous les États membres des Nations unies à prêter une attention particulière aux témoignages et aux autres éléments de preuve présentés au tribunal, et à s’acquitter de leur responsabilité dans la lutte contre l’impunité en mettant en place, par l’intermédiaire du Conseil des droits de l’homme des Nations unies, un mécanisme indépendant chargé de recueillir, préserver et analyser les éléments de preuve relatifs aux crimes graves au regard du droit international commis en Iran, afin de faciliter l’ouverture de procédures pénales équitables.
Se souvenir des victimes de la folie meurtrière de l’Iran
Depuis mai 2020, date à laquelle Amnesty International a rendu publiques les informations concernant 304 hommes, femmes et enfants tués par les forces de sécurité iraniennes au cours des manifestations qui ont éclaté à la suite de la hausse soudaine du prix des carburants pendant la nuit, l’organisation a enregistré les noms et les informations de 24 autres victimes, ce qui porte à 323 le nombre total de décès recensés.
Cependant, l’organisation pense que le nombre réel de morts est plus élevé, de nombreux Iraniens craignant des représailles de la part des autorités s’ils s’exprimaient ou rendaient publiques des informations sur les personnes tuées lors de la répression.
Aujourd’hui, Amnesty International publie une liste actualisée des noms et des détails concernant les manifestants et les passants identifiés comme ayant été tués lors des manifestations de novembre 2019.
L’organisation a connaissance de dizaines de noms supplémentaires signalés en ligne. Mais elle ne dispose pas actuellement de suffisamment de détails vérifiés pour les inclure dans sa liste. L’organisation a publié une liste de ces noms signalés en persan sur ses comptes Telegram, Instagram et Twitter. Elle invite toute personne ayant des informations supplémentaires à leur sujet ou sur d’autres victimes jusqu’ici inconnues à la contacter.
« En découvrant et en enregistrant les noms et les détails des personnes tuées, nous cherchons non seulement à révéler l’ampleur horrifiante de la folie meurtrière des autorités iraniennes en novembre 2019, mais aussi à honorer la mémoire de chaque vie humaine perdue lors des manifestations », a déclaré Heba Morayef.
« Nous espérons que le poids des preuves présentées au tribunal obligera les États à reconnaître que lorsque les voies nationales de justice sont totalement absentes, il est de leur devoir d’intervenir et d’agir par le biais d’institutions comme le Conseil des droits humains de l’ONU pour mandater une enquête impartiale et indépendante afin de garantir la vérité, la justice et la réparation de ces crimes odieux. »
Contexte
Les audiences du Tribunal international populaire sur les atrocités commises par l’Iran en novembre 2019 se dérouleront du 10 au 14 novembre 2021 à Church House, Westminster, Londres. Elles sont ouvertes au public. Elles peuvent également être suivies en direct. Le panel doit rendre son jugement au début de l’année 2022.
Des manifestations ont éclaté en Iran le 15 novembre 2019 à la suite d’une annonce soudaine du gouvernement concernant une hausse du prix du carburant. L’objectif des protestations s’est rapidement étendu des préoccupations relatives au prix du carburant à des griefs plus larges contre les institutions politiques, y compris des demandes de réformes constitutionnelles et la fin du système de la République islamique.
Pendant et après les manifestations du 15 au 19 novembre 2019, en plus de tuer des centaines de manifestants et de passants, y compris des enfants, les autorités iraniennes ont détenu arbitrairement des milliers de manifestants et de passants. Elles en ont soumis des centaines à des disparitions forcées, à la torture ou à d’autres mauvais traitements, ainsi qu’à des procès d’une iniquité flagrante. Les autorités ont mené leur répression meurtrière au milieu d’une fermeture quasi-totale d’Internet dans tout le pays, qu’elles ont délibérément imposée entre le 16 et le 27 novembre 2019 pour cacher la véritable ampleur des crimes et des violations des droits humains qu’elles ont commis.
Les autorités iraniennes continuent de dissimuler le bilan des personnes tuées lors des manifestations de novembre 2019. Elles ont annoncé la mort de 230 personnes en juin 2020. Mais elles ont imputé la plupart des meurtres à des agresseurs inconnus et elles ont félicité les forces de sécurité et de renseignement pour leur rôle dans la répression des manifestations.
Amnesty International a constaté que le recours à la force meurtrière par les forces de sécurité contre la grande majorité des personnes tuées était illégal.
*Le nombre total de décès enregistrés s’élève actuellement à 323, car cinq entrées précédemment enregistrées dans la liste publiée en mai 2020 ont été supprimées. Ces entrées concernaient des décès dans les villes de Shahriar, Malard et Kermanshah qui ont été confirmés, mais l’identité des victimes est restée inconnue. Pour éviter un double comptage, ces entrées ont été remplacées par cinq des 24 victimes nouvellement identifiées.
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