lundi 3 décembre 2018

Lettre ouverte de six familles de doubles nationaux et d'étrangers emprisonnés en Iran


arrestation binationaux prise otage iranLettre ouverte aux dirigeants mondiaux, aux organisations de défense des droits humains et aux médias. Nous sommes les familles des otages politiques en Iran et nous demandons votre action urgente.
Nous venons de différents pays, avec des vécus différents et des perspectives différentes, mais nous nous sommes regroupés pour vous parler d'une seule voix. Nous ne resterons plus silencieux.
En septembre 2018, lors d'un événement parallèle à l'Assemblée générale des Nations Unies, plusieurs de nos familles se sont réunies pour la première fois afin de partager nos histoires et nos difficultés pour obtenir la libération de nos proches. Nous nous sommes revus il y a quelques semaines, cette fois pour partager nos témoignages avec le rapporteur spécial des Nations unies sur la situation des droits humains en Iran. Les similitudes entre les cas de nos proches sont frappantes. Chaque histoire n’est pas simplement une affaire de détention arbitraire, mais bien des mesures délibérées et tactiques prises par les autorités iraniennes pour obtenir des monnaies d’échange.
Ahmadreza Djalali, scientifique suédo-iranien, invité par des universités iraniennes à former des chercheurs, a été arrêté par le ministère iranien du renseignement en mars 2016. Il a été maintenu en isolement cellulaire pendant plus de trois mois et sans aucun accès à un avocat pendant 6 mois. Au cours de cette période, Ahmadreza a été blessé physiquement, torturé psychologiquement et faussement conduit à croire qu'il serait libéré s'il faisait des aveux dictés par les agents du renseignement. Il a été contraint de faire une interview qui a ensuite été modifiée et diffusée à la télévision publique pour accuser Ahmadreza d'allégations sans fondement. Ahmadreza n'a pas eu de procès équitable depuis sa détention, qui dure depuis 985 jours, malgré l'absence de preuves à son encontre et les appels lancés par l'ONU, des universitaires et 75 lauréats du prix Nobel pour obtenir sa libération. Après avoir été privé de soins médicaux pendant plus d'un an, après deux longues grèves de la faim d'une durée de 40 à 50 jours, le laissant dans un état physique très affaibli, il a maintenant été transféré dans un hôpital pour être opéré d'urgence. Son état physique est extrêmement médiocre en raison d'une attente aussi longue pour obtenir des soins médicaux.
Kamran Ghaderi, père de trois enfants, citoyen autrichien et iranien et consultant en informatique, a été arbitrairement arrêté à l'aéroport lorsqu'il est arrivé de Vienne à Téhéran pour un voyage d'affaires régulier en janvier 2016. Initialement, il a été placé en isolement cellulaire sans inculpation. Après trois mois d’isolement, de torture et de fausses promesses des autorités, Kamran a signé des aveux forcés. Son avocat lui a rendu visite pour la première fois, seulement pendant 20 minutes, la veille du jour où il a été condamné à 10 ans d'emprisonnement pour espionnage au nom d'un pays hostile. Il n'a eu aucun accès à son Consulat. En prison, il a subi deux opérations au cours desquelles des médecins ont retiré des disques intervertébraux et l’ont opéré de la moelle épinière. Il a également une tumeur osseuse à la jambe gauche qui n'a pas été traitée. Aujourd'hui, il en est à son 1066ème jour de détention.
Siamak Namazi a été arrêté, jugé et sommairement condamné à 10 ans de prison pour « collaboration avec un État hostile », faisant référence aux États-Unis. Il a été détenu, dans des conditions extrêmement difficiles, pendant plus de deux ans dans l'aile de la prison d'Evine, contrôlée par les pasdarans, notamment en isolement cellulaire et contraint de dormir sur un sol dur, sans matelas, et étant torturé physiquement et psychologiquement. Il est en détention depuis 1 145 jours, depuis octobre 2015.
Baquer Namazi est le père de Siamak Namazi, il est âgé de 82 ans, et il a également été condamné à 10 ans de prison pour collaboration avec un État hostile. Ancien membre du personnel de l'UNICEF, il a connu une dégradation de son état de santé et a été hospitalisé sept fois à cause de divers problèmes cardiaques et graves. Il se trouve en permission médicale restreinte, mais son état de santé continue de se détériorer. Baquer est en détention depuis 1 015 jours, depuis février 2016.
Nizar Zakka, ressortissant libanais et résident permanent aux États-Unis, est un défenseur de la liberté sur Internet et de la liberté d'expression de renommée mondiale. Il est vice-président de la World IT Alliance, membre de l'ONU-UIT et secrétaire général de l'IJMA3, un consortium de 19 associations arabes de TIC. Il a été invité en Iran par le vice-président pour une conférence sur l'autonomisation des femmes. Après la conférence, il a été kidnappé par les pasdarans alors qu'il se rendait à l'aéroport. Lors d’une interview, le conseiller du président Rohani a récemment reconnu que l’enlèvement de Nizar n’avait en aucun cas été approuvé par le gouvernement. Jamais auparavant dans l'histoire récente, un pays n'avait officiellement invité un convive et l’avait pris en otage. Nizar est en détention depuis 1 172 jours, depuis septembre 2015.
Saeed Malekpour a été emprisonné à tort en octobre 2008 lorsqu'il est arrivé du Canada en Iran pour faire ses adieux à son père mourant. Saeed est actuellement détenu à la prison d'Evine et condamné à une peine d'emprisonnement à vie. Il a été torturé physiquement et psychologiquement, avec violence, pour le forcer à avouer une liste d'accusations dressées pour lui par les pasdarans. Il a été condamné à mort à deux reprises et maintenu en isolement pendant plus de trois ans. Il a vécu pendant cinq ans dans la peur d’être exécuté. Malgré qu'aucune preuve n'ait jamais été présentée contre lui. Saeed n'a pas bénéficié d'un procès équitable pendant sa détention, c’est-à-dire depuis 3 711 jours, soit plus de 10 ans.
Robert Levinson, citoyen américain, a « disparu » sur l'île de Kish, en Iran. Le gouvernement iranien n’a jamais admis publiquement avoir emmené Bob (comme l’appelle sa famille), mais un article de PressTV avait initialement annoncé qu’il était détenu par les forces de sécurité et serait « libéré dans quelques jours ». 4 287 jours plus tard, soit 11 ans et demi plus tard, la famille de Bob n’a toujours pas de nouvelles de lui. Il a été détenu dans le déni absolu de ses droits humains les plus fondamentaux. Sa famille a seulement vu une vidéo où on le voit pris en otage et des photographies reçues de ravisseurs anonymes. Les autorités iraniennes ont contrecarré toute tentative des États-Unis d’enquêter plus avant, bloqué les procédures judiciaires devant les tribunaux iraniens et ont évoqué une liste de revendications chaque fois que son nom est mentionné.
Les preuves sont concluantes et nous devrions dire comment cela s’appelle : des prises d’otages. Depuis la disparition de M. Levinson, plus de 50 personnes ayant des liens avec une puissance occidentale ont été prises en otage par les autorités iraniennes. Selon un récent rapport de la FondationThomson Reuters, 20 personnes seraient toujours retenues en otages en Iran.
Durant plusieurs années douloureuses, les cas de nos proches ont été traités individuellement, mais même s’ils sont tous uniques et complexes, il ne s’agit pas d’un problème individuel, mais d’une tendance ; un modèle que nous appelons les dirigeants mondiaux à nous aider à mettre fin. Les parties concernées sur tous les plans de cette question savent quoi faire. S'il vous plaît, protégez la liberté de nos proches des prisons iraniennes.
Notre action actuelle ne concerne pas la politique internationale. Nous sommes un groupe déterminé d’individus et de familles qui parlent d’une seule voix à nos gouvernements, en tant qu’êtres humains qui ont été affectés par la situation horrible créée par les autorités iraniennes. Nous demandons des actes.
Nous pensons que les autorités iraniennes sont peu enclines à mettre fin à la pratique cruelle et horrible de la prise d’otages résultant d’une pression insuffisante de la part de la communauté internationale. Les dirigeants du monde doivent faire en sorte que le coût politique de la violation des droits humains soit si élevé que la libération de nos proches devienne un avantage pour les autorités iraniennes. Nous exhortons tous nos gouvernements, en particulier ceux qui entretiennent des relations diplomatiques avec le pays iranien, de reconnaître immédiatement cette crise de la prise d’otages et de prendre des mesures concrètes pour résoudre ces affaires.
Faites ce qui est en votre pouvoir pour aider à la libération de nos proches et à leur retour en toute sécurité chez eux en veillant à ce que leurs affaires figurent au premier rang des priorités dans tout dialogue avec les autorités iraniennes. Veuillez agir de toute urgence avant qu’il ne s’écoule plus de temps ou que la douleur ne se répande.
Veuillez-vous joindre clairement et immédiatement à nous pour dire au gouvernement iranien que ce comportement ne sera plus accepté et doit prendre fin maintenant. Nous vous demandons de nous ramener nos proches.
Signé,
Les familles de Robert Levinson, de Nizar Zakka, de Saeed Malekpour, de Kamran Ghaderi, d'Ahmadreza Djalali, de Baquer et de Siamak Namazi, ainsi que de nombreuses autres familles qui se taisent de peur pour la sécurité de leurs proches
* Une copie de cette lettre a été envoyée le 2 décembre à des responsables gouvernementaux aux États-Unis, au Royaume-Uni, au Canada, en Autriche, au Liban, en Suède, en Allemagne, en Suisse, en Italie et à Oman, au Président de la Commission européenne, de l'Union européenne, au Haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, aux membres du Parlement européen, au Secrétaire Général des Nations unies (ONU), au rapporteur spécial des Nations unies sur les droits humains en Iran, au groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire, au groupe de travail des Nations unies sur les disparitions forcées et involontaires, et aux membres du Conseil de sécurité des Nations Unies.
Source : Centre pour les droits de l’homme en Iran

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