Un mur de la peur
« Ce moment est le résultat des erreurs de la République islamique », a déclaré l’analyste de l’Iran Ali Vaez, de l’International Crisis Group. « En fait, la République islamique et ses dirigeants sont les leaders de ce mouvement, simplement parce qu’ils ont poussé la société à ses limites. Non seulement le peuple iranien a souffert d’un ralentissement économique dû à la mauvaise gestion, à la corruption et aux sanctions au cours de la dernière décennie, mais sa qualité de vie diminuait de jour en jour », a déclaré Vaez à l’Associated Press.
Beaucoup de manifestations sont menées par des femmes, mais il y a aussi des ouvriers et la jeunesse iranienne. Des vidéos postées sur les médias sociaux montrent notamment des Iraniennes en train d’enlever leur foulard et d’insulter les dirigeants du pays en guise de défi ouvert.
« C’est vraiment impressionnant de voir que pour elles, le mur de la peur est complètement détruit. Elles n’ont plus rien à perdre et donc elles sont prêtes à persister », a déclaré M. Vaez.
Manifestations passées
Le pouvoir populaire n’a pas réussi à renverser la République islamique, malgré des protestations sporadiques remontant à plusieurs décennies. Les manifestations passées, comme le Mouvement vert de 2009, étaient centrées sur certaines factions politiques, mais le ressentiment transcende désormais les clivages politiques dans un contexte de crise économique et de répression intérieure, explique l’analyste Behnam Ben Taleblu de la Fondation pour la défense des démocraties, basée à Washington.
« Plutôt que de défendre un élément du régime, c’est la population qui dit en avoir fini avec le régime dans son ensemble », a déclaré Taleblu à VOA.
Des dizaines manifestants iraniens ont été tués ces derniers jours lorsque la police anti-émeute a ouvert le feu sur les manifestants. « Il n’a pas encore déployé les pasdarans. Il dispose donc encore de nombreux outils répressifs qu’il peut utiliser contre le mouvement », a déclaré M. Vaez.
La réponse de l’Occident
Comment l’Occident doit-il réagir aux manifestations ?
La semaine dernière, la Grande-Bretagne a suivi les États-Unis et le Canada en imposant des sanctions aux hauts responsables de la police de la moralité iranienne.
« Il faut étendre cette action à l’ensemble de l’Union européenne, ainsi qu’aux pays qui disposent de capacités de sanctions autonomes, qu’il s’agisse des membres du groupe Five Eyes comme la Nouvelle-Zélande et l’Australie ou d’autres partenaires des États-Unis », a déclaré M. Taleblu.
Five Eyes est une alliance de partage de renseignements entre l’Australie, le Canada, la Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni et les États-Unis.
Accord nucléaire
Ces manifestations interviennent alors que les États-Unis et les puissances européennes négocient avec Téhéran un éventuel retour des États-Unis à l’accord nucléaire JCPOA de 2015, qui prévoit la levée de certaines sanctions économiques contre l’Iran en échange de limites sur son programme atomique. Le JCPOA est le plan d’action global conjoint.
Le président américain de l’époque, Donald Trump, a retiré les États-Unis de l’accord en 2018, estimant qu’il n’avait pas réussi à freiner le programme de missiles balistiques de l’Iran et son soutien présumé à des mandataires terroristes dans la région. Les partisans de l’accord affirment qu’il vise uniquement à empêcher l’Iran de développer des armes nucléaires, et que les autres préoccupations devraient être traitées séparément.
Téhéran maintient que son programme nucléaire est à des fins pacifiques.
Le président français Emmanuel Macron a condamné la répression de l’Iran. Mais il a déclaré que la France se bat pour empêcher la prolifération nucléaire.
« La France condamne les répressions menées aujourd’hui par le régime iranien et nous sommes aux côtés de ces femmes. C’est un peuple souverain qui se bat pour sa liberté », a déclaré Macron à la télévision France 2 mercredi.
« Nous nous battons d’abord pour défendre nos principes, défendre ces femmes et ces hommes, défendre aussi les Français et les doubles nationaux qui sont otages en Iran. Et aussi pour protéger la région parce que l’Iran a mené beaucoup de déstabilisation, et pour lutter contre la prolifération nucléaire », a déclaré M. Macron.
Les critiques affirment que les négociations nucléaires ont échoué et devraient être abandonnées.
« Cet argent, cet accord, enrichirait l’appareil de sécurité du régime », a déclaré l’analyste Taleblu à VOA. « Et cet appareil de sécurité est le même appareil qui s’engage dans l’agression étrangère et dans la répression intérieure que nous voyons maintenant depuis environ quatre semaines. »
Source : VOA/ CSDHI
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