samedi 12 juin 2021

Aux pourparlers sur le nucléaire iranien, l’optimisme du négociateur européen est sans fondement

 À la suite de la dernière série de pourparlers informels à Vienne, les négociateurs européens ont exprimé leur optimisme quant à la perspective de ramener le régime iranien dans l’accord nucléaire iranien de 2015. L’envoyé de coordination pour l’Union européenne a déclaré mercredi aux journalistes qu’il prévoyait que le sixième cycle de pourparlers serait le dernier. Mais les responsables américains ont accueilli cette déclaration avec scepticisme et ont déclaré qu’eux aussi anticipaient une résolution, mais s’attendaient à ce qu’elle nécessite beaucoup plus de va-et-vient entre les sept parties à l’accord.

Des perspectives de rétablissement du statu quo semblaient émerger en janvier dernier avec la transition présidentielle aux États-Unis, mais les États-Unis ont jusqu’à présent résisté aux pressions européennes pour simplement retirer toutes les conditions réimposées ou nouvellement imposées par l’administration américaine précédente, en l’absence de nouvelles concessions du régime iranien.

Ce régime, quant à lui, a insisté précisément sur ce résultat et a refusé tous les appels à un accord de compromis dans lequel certaines sanctions seraient levées en échange de certaines restrictions rétablies sur les sites nucléaires iraniens.

Pendant ce temps, le régime iranien a continué d’accélérer son activité nucléaire, dépassant de loin certaines de ses réalisations de la période précédant la mise en œuvre du JCPOA. À cette époque, le niveau le plus élevé d’enrichissement d’uranium connu pour avoir eu lieu en Iran était de 20 pour cent de pureté fissile. En avril, les autorités ont annoncé publiquement que le site nucléaire refortifié de Natanz commençait à s’enrichir à 60 %, réduisant ainsi considérablement la quantité d’efforts supplémentaires nécessaires pour atteindre les 90 % considérés comme de qualité militaire.

L’enrichissement accéléré est intervenu quelques semaines seulement après que le régime se soit vanté d’avoir commencé la production d’uranium métal, un matériau qui n’a pratiquement pas d’autre but que de servir de composant clé dans le cœur d’une ogive nucléaire. L’Agence internationale de l’énergie atomique estime maintenant que le régime iranien a stocké environ 2,4 kg chacun d’uranium enrichi à 60 % et d’uranium métal, plus 62,8 kg d’uranium enrichi à 20 %. Ses stocks totaux d’uranium, quel que soit le niveau d’enrichissement, ont été estimés à 3 241 kg, soit environ 16 fois la quantité autorisée aux termes du JCPOA.

Ces chiffres ont tous été détaillés dans un rapport présenté aux négociateurs de Vienne par l’AIEA la semaine dernière. Le rapport a noté que pour la première fois depuis le début des activités de surveillance décrites dans l’accord, l’agence nucléaire de l’ONU a été forcée de déclarer des estimations plutôt que des données obtenues directement à partir de sites en Iran. En effet, le gouvernement iranien a adopté à la fin de l’année dernière un projet de loi fixant une date limite pour l’arrêt du respect de l’AIEA si les sanctions américaines restaient en place. La loi est entrée en vigueur en mars, mais les observateurs de l’ONU ont conclu un accord qui leur évite simplement d’être expulsés du pays en réduisant simplement leur mandat, plutôt que de le rompre.

Cet accord a permis à Téhéran d’éviter de donner à l’AIEA accès à la vidéo de surveillance sur les sites nucléaires du pays, mais a établi que les enregistrements seraient stockés et diffusés si un accord avec les puissances occidentales était mis en œuvre à l’avenir. Il était largement admis qu’en dépit de cette perte d’accès à la surveillance visible, l’AIEA était toujours en mesure de collecter des données à partir d’autres équipements de surveillance sur les sites concernés. Le dernier rapport de l’agence a corrigé cette idée fausse et a clairement indiqué que l’obstructionnisme de Téhéran était beaucoup plus complet et donc plus dangereux que ne le pensaient les négociateurs occidentaux.

Toutes ces informations ont été révélées deux jours seulement avant la conclusion du cinquième cycle de pourparlers à Vienne. Cela étant, il est extrêmement difficile d’imaginer d’où pourrait venir l’optimisme européen à l’égard de ces pourparlers. L’accélération des violations de l’accord par l’Iran n’a été contrebalancée en aucune manière par sa conduite dans les négociations ou sa position globale envers les interlocuteurs occidentaux. Le régime n’a pas compromis sa position de départ consistant à exiger un allégement des sanctions en échange de rien. Et l’UE n’a pas montré une plus grande volonté de pénaliser ce manque de coopération ou d’exercer des pressions sur le régime dans l’intention de le contraindre à accepter un accord de plus grande envergure.

Cette permissivité européenne est rendue d’autant plus inexplicable par le fait qu’avant même que l’AIEA ne publie son dernier rapport, son directeur général Rafael Grossi a parlé publiquement du fait que l’Iran évite la transparence, nuit à sa propre crédibilité et réduit les perspectives d’un accord acceptable pour tous les côtés. Grossi a sans doute sauvé le JCPOA de l’effondrement total à plus d’une occasion, mais il reconnaît maintenant qu’il n’est peut-être pas récupérable et pourtant les responsables européens en charge de définir la politique sur cette question semblent sourds à ses conseils.

« Ce n’est pas possible », a déclaré le chef de l’AIEA à propos d’un éventuel retour au statu quo tel qu’il existait avant les violations systématiques du régime. « L’Iran a accumulé des connaissances, a accumulé des centrifugeuses et a accumulé du matériel », et les avancées appellent à « un accord dans le cadre d’un accord », pour relever les nouveaux défis que Téhéran a créés.

« Ils ont beaucoup d’options », a poursuivi Grossi. « Ils peuvent démonter, ils peuvent détruire, ils peuvent mettre dans un placard. Ce que nous devons être en mesure de faire, c’est de vérifier de manière crédible et opportune. » Bien entendu, la communauté internationale ne peut raisonnablement espérer obtenir ce résultat si les puissances européennes refusent de prendre des mesures énergiques à cette fin. Une telle affirmation pourrait fournir une véritable justification à l’optimisme quant à un prochain accord avec le régime iranien. Mais dans l’état actuel des choses, l’optimisme affiché à Vienne semble être basé sur rien d’autre qu’un espoir naïf ou de purs mensonges.

Alejo Vidal-Quadras, professeur de physique atomique et nucléaire, a été vice-président du Parlement européen de 1999 à 2014. Il est président du Comité international en quête de justice (ISJ)

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