lundi 19 juillet 2021

Rama Yade : C’est un changement de régime que le peuple iranien réclame

 Rama Yade est intervenue le 12 juillet dernier au grand rassemblement de la Résistance iranienne « Pour un Libre 2021 ». Le Sommet mondial a accueilli des dizaines de délégations parlementaires et de personnalités des cinq continents et s’est tenu en présence de Maryam Radjavi et de milliers de Moudjahidine à Achraf-3 reliés en ligne à des dizaines de milliers de points et de rassemblements d’Iraniens et de partisans de la Résistance dans 105 pays.

L’ancienne secrétaire d’État chargée des Affaires étrangères et des Droits de l’Homme et grande amie du peuple iranien, a déclaré à l’événement virtuel :

« Un vaccin a été trouvé contre le COVID. La démocratie américaine a chancelé de manière inédite, mais un président américain a fini par remplacer l’autre. Le changement climatique s’est imposé dans l’agenda international.

Merkel va partir. Mais l’Iran officiel, elle, ne change pas. Un président désigné a remplacé un autre président désigné. Les mêmes cercles. Les protestations populaires restent inaudibles. On entend le Hirak algérien. On se mobilise pour les Ouïghours. Et même le « Black Lives Matter » a fini par attirer l’attention.

Et le peuple iranien, lui, semble crier dans le vide. « Business as usual », on reprend les négociations sur le nucléaire. On ne réagit pas davantage à la désignation du nouveau président iranien.

Il faut se demander pourquoi ni le ton, ni la politique à l’égard de l’Iran semblent ne jamais changer. Je pense que la communauté internationale n’est pas naïve à l’égard de l’Iran. Elle n’ignore rien des violations des droits de l’homme. Elle sait tout du massacre de 1988. Amnesty international dit tout, chaque jour, et Amnesty a son siège à Londres.

Il faut circuler dans les allées de l’exposition Achraf 3 et voir les visages graves des fondateurs de l’Iran, croiser le regard de Radjavi, avoir le tournis devant les portraits de centaines de jeunes, de femmes, de sportifs assassinés par le régime.

Être bouleversé devant les photos de dizaines de fosses communes. Reculer devant les photos glaçantes du massacre d’Achraf en Irak. Un massacre jusque dans les hôpitaux.

Il faut aussi comprendre le prix élevé qu’ont payé ces combattants de la liberté. Voilà Achraf 3, trois lieux de mémoire et d’espérance. Témoignage vivant de ce qu’est la répression et de la foi en l’avenir.

Aujourd’hui, cette violence se poursuit – et comme je le dis souvent au sujet des combattants de la liberté – les Iraniens sont fatigués de se battre seuls. Si nous ne réagissons pas, les héros de la Résistance qui ont payé tellement fort le prix de leur engagement, seront isolés.

C’est le peuple iranien qu’on risque de désespérer. Je ne crois pas non plus que la communauté internationale soit ignorante de l’existence d’une opposition crédible. Tout le monde connaît les Moudjahidine du Peuple, avec ses rassemblements géants dans toutes les capitales du monde et des milliers de participants.

On connaît vos sacrifices. On connaît le prix élevé que vous avez payé pour un Iran libre et que vous continuez à payer. On connaît votre programme « Égalité homme-femme ». On connaît votre programme de séparation de l’Église et de l’État…

On a vu Achraf 3, cette cité bâtie en moins de deux ans, à partir de rien. Des hôtels, des maisons, des hôpitaux, des écoles, des boulangeries, au milieu de nulle part, à 40 minutes de Tirana et de la côte adriatique. C’est une ville qui s’érige désormais, ce qui était un champ de boue il y a seulement quelques mois.

Elle a vu le peuple aussi, sortir des maisons… ces printemps perses. Il y en a tous les jours. Il fallait voir comment le monde, la communauté internationale, a été pris de court devant les appels à la fin de la dictature qui se répandait dans les tréfonds du pays. Ce n’est pas que le monde ou la communauté internationale ne le savait pas. Elle n’a juste pas voulu croire. Elle n’a pas voulu voir.

Il y a eu d’abord l’étonnement, puis il y a eu la sidération devant les foules qui sortaient dans les rues. Décidément, on a dit que ce n’était pas vraiment une révolution, mais une simple révolte, qu’il n’y avait pas de leader, que cette révolte ne durera pas. Quelle était d’ailleurs incompréhensible qu’il fallait se méfier.

On a fait parler des Iraniens pour leur faire dire leur méfiance vis à vis de cette révolte. D’autres ont souligné que cette révolte n’était pas politique, que c’est une bataille entre conservateurs. Comme si les démocrates n’existaient pas en Iran. Bref, le monde ne veut pas voir les printemps perses.

D’autres ont osé dire même que les Iraniens ne demandaient rien d’autre que manger, laissons de côté la liberté ! Cette politique de l’autruche, au plus fort des protestations, dit beaucoup de l’aveuglement d’une communauté internationale. Non qu’il ne puisse pas voir, mais il ne veut pas voir et il a fait le pari du régime.

Tout ça, pourquoi ? Pour un accord nucléaire auquel je ne vois pas comment on peut croire. On les avait prévenus. Cet accord ne mènerait à rien. Je ne pense pas que la communauté internationale estime que, d’ailleurs, l’Iran apporte la sécurité dans cette partie du monde.

On ne peut pas le croire. De la même manière que la communauté internationale n’ignore rien des droits de l’homme, de la même manière qu’elle n’ignore rien des protestations populaires… elle n’ignore pas que l’Iran n’apporte pas une réponse de sécurité dans le Moyen-Orient. C’est une nouvelle course aux armements qu’engage l’Iran. Elle donne une actualité nouvelle à la guerre nucléaire.

Mais, ce n’est pas ça. Ce n’est pas seulement un rapport de force entre les puissances rivales qui se joue là. Ce qui se joue là est beaucoup plus profond. Ce qui se joue là, c’est que la guerre nucléaire se double d’une guerre religieuse, en raison de la nature même du régime iranien.

Un régime fondamentaliste qui aspire à imposer, au nom d’un islam fantasmé, sa vision extrémiste de la religion sur toute la région du Proche-Orient. C’est peut être aussi cela que nous refusons de voir !

Dans un contexte post 11 septembre, marqué par les horreurs commises par l’État islamique partout dans le monde, le temps est au pacifisme. Le temps n’est pas aux extrémismes ou aux radicalismes ou aux théocraties.

C’est la liberté et la démocratie qui doivent nous guider, car elles seules sont porteuses de paix. La Révolution iranienne y aspirait, mais le pouvoir de Khomeiny l’a détourné de cette immense et belle ambition.

Avec un pouvoir qui est fondamentaliste, la négociation est impossible. Il est donc temps pour la communauté internationale d’adopter une position ferme, qui condamne les violations flagrantes des droits de l’homme en Iran, en particulier le nombre encore élevé d’exécutions, et en soumettant le commerce avec l’Iran à la fin des violations des droits de l’homme.

Puissions-nous être plus nombreux, plus déterminés pour conduire cet indispensable changement, en soutenant le désir du peuple iranien pour le changement de régime et l’instauration d’une république laïque fondée sur la séparation de la religion et de l’Etat, l’égalité des genres et la liberté d’expression. Il en va de la morale et de la sécurité.

Ici, nous ne sommes pas des doux rêveurs. Nous avons occupé les plus hautes fonctions. Nous savons ce que recèle la vie démocratique d’un Etat. Nous savons les contraintes de la diplomatie.

Nous savons que ni Rome ni Téhéran ne se sont fait en un jour, et nous voulons aussi que les entreprises s’enrichissent grâce aux contrats commerciaux. Mais ce que nous savons aussi, c’est que nous n’obtiendrons rien de tout cela en baissant pavillon sur le front des droits de l’homme. Le sens de l’histoire est celui des droits humains… Il faut choisir le camp de l’humanité.

Vous, ici, vous avez réveillé les consciences humaines, vous avez brisé les silences, vous avez cassé les indifférences, vous avez élevé le mot de justice, vous avez magnifié l’engagement. C’est un acte de foi absolument extraordinaire que vous exprimez chaque jour.

Et ce qui s’est levé en Iran à travers ces printemps perses ne retournera pas. Nous y veillerons tous en vigie attentive et solidaire. Et la propagande ne fera pas oublier « les raisins de la colère » … Et comme le souligne Maryam Radjavi, cela ne suffira pas à effacer la puissance de cet appel à l’alternance démocratique.

C’est pour la liberté que les Iraniens se sont soulevés. C’est pour leurs droits fondamentaux qu’ils se sont levés, c’est contre les exactions de masse, contre l’arbitraire qu’ils ont risqué leurs vies, c’est pour l’égalité des droits entre les hommes et les femmes, qu’ils ont crié.

C’est un changement de régime qu’ils réclament !

Je vous remercie.

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