lundi 20 octobre 2025

« Non aux exécutions » : des prisonniers iraniens rallument l’appel national pour l’abolition de la peine de mort

 Alors que 1 500 prisonniers de la prison de Ghezel Hesar entament une grève de la faim contre les exécutions, Amnesty International appelle les Nations unies à agir face à la pire vague d’exécutions que l’Iran ait connue depuis des décennies.

« Les potences doivent être démantelées d’Iran. Élevez vos voix et rassemblez-vous devant les prisons.
Nous, prisonniers condamnés à mort, n’avons d’autre refuge que vous, le peuple. »
— Extrait du communiqué des 1 500 grévistes de la faim de la prison de Ghezel Hesar, 14 octobre 2025

Ces quelques lignes, écrites derrière les barreaux de la prison de Ghezel Hesar, près de Karaj, portent une résonance historique : un appel à un mouvement national pour en finir avec la peine capitale en Iran. Depuis le 13 octobre, environ 1 500 prisonniers du quartier 2 de la prison de Ghezel Hesar ont entamé une grève de la faim collective pour protester contre le transfert de plusieurs détenus vers des cellules d’isolement, prélude à leur exécution.

Leur appel a déjà franchi les murs de la prison. Des prisonniers politiques d’Evine et d’autres quartiers de Ghezel Hesar ont annoncé leur solidarité avec les grévistes. À travers le pays, des militants et unités de résistance du PMOI (Organisation des Moudjahidines du Peuple d’Iran) ont repris le mot d’ordre : arrêter les exécutions et soutenir le courage des prisonniers.

Un cri collectif contre la mort d’État

Le communiqué des prisonniers témoigne d’un acte de défiance extraordinaire. Il dénonce ce qu’ils qualifient de « machine de mort » d’État, accusant le Guide suprême Ali Khamenei d’exécuter la jeunesse iranienne “une par une et par groupes” afin d’étouffer toute dissidence et de maintenir son pouvoir par la peur et l’intimidation.

Selon les observateurs, la vague actuelle d’exécutions marque l’un des chapitres les plus sombres de l’histoire contemporaine de l’Iran. Les organisations de défense des droits humains estiment que le régime a exécuté plus de 1 000 personnes depuis le début de l’année 2025, soit une moyenne de quatre par jour.

Dans un communiqué publié le 16 octobre 2025, Amnesty International a appelé les États membres de l’ONU à faire face à cette “vague choquante d’exécutions” avec l’urgence qu’elle exige.

« Plus de 1 000 personnes ont déjà été exécutées en Iran depuis le début de l’année 2025 – soit une moyenne de quatre par jour », a déclaré Hussein Baoumi, directeur régional adjoint d’Amnesty pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord.«

Depuis le soulèvement Femme, Vie, Liberté de 2022, les autorités iraniennes instrumentalisent de plus en plus la peine de mort pour répandre la peur, écraser la contestation et punir les communautés marginalisées. Cette année, les exécutions ont atteint un niveau inédit depuis 1989. »

Baoumi a souligné que les exécutions sont prononcées à l’issue de procès inéquitables, souvent tenus à huis clos, marqués par la torture et les aveux forcés. Il a exhorté les États membres de l’ONU à exiger un moratoire immédiat et à tenir les responsables iraniens pour criminellement responsables en vertu du droit international.

« Même selon les sombres standards iraniens, il s’agit d’un moment tragique qui exige une réponse internationale sérieuse et coordonnée », a-t-il ajouté.

L’ONU appelée à agir face à la flambée d’exécutions

Dans un message publié sur X (Twitter), Amnesty Iran a souligné l’urgence d’une mobilisation mondiale :

« Les États membres de l’ONU doivent affronter l’effroyable vague d’exécutions menée par les autorités iraniennes avec toute l’urgence nécessaire.
Plus de 1 000 personnes ont déjà été exécutées depuis le début de 2025 – une moyenne de quatre par jour…
Cette attaque grotesque contre le droit à la vie ne peut être traitée comme une affaire ordinaire alors que des milliers d’autres condamnés à mort risquent l’exécution. »

Amnesty appelle tous les États participant au Dialogue interactif du Troisième Comité de l’Assemblée générale de l’ONU sur l’Iran à :

  • exiger la suspension immédiate de toutes les exécutions,

  • annuler les condamnations à mort prononcées à l’issue de procès inéquitables,

  • abroger les lois anti-narcotiques prévoyant la peine capitale,

  • et établir un moratoire officiel.

L’organisation encourage également les gouvernements à poursuivre les responsables iraniens pour torture et crimes internationaux, en utilisant la compétence universelle et en délivrant des mandats d’arrêt lorsque les preuves le permettent.

Un régime qui se maintient par la peur

À l’intérieur du pays, le régime a fait de la peine de mort un pilier central de sa répression. Selon les analystes, le pouvoir de Khamenei a transformé l’exécution en instrument de punition et de domination, un spectacle quotidien destiné à terroriser la société et à étouffer toute contestation — notamment après les protestations massives de 2022–2023 et la crise de légitimité qui s’en est suivie.

Le président Masoud Pezeshkian, qui se présente comme réformiste, n’a rien entrepris pour remettre en cause cette mécanique de mort. Son gouvernement continue d’autoriser les exécutions et d’ignorer les appels à la clémence ou à des procès équitables.

Les organisations de défense des droits humains rapportent en outre que les minorités ethniques, en particulier les Baloutches, Kurdes et Arabes ahwazis, sont disproportionnellement visées, souvent condamnées sur la base d’accusations vagues telles que « inimitié envers Dieu » ou « corruption sur terre ».

Un moment historique de résistance morale

La grève de la faim à la prison de Ghezel Hesar ne représente pas seulement une protestation : elle incarne une exigence d’éveil moral. Le courage des prisonniers a trouvé un écho à travers toute la société iranienne, unissant les voix des militants, des familles des exécutés et des organisations internationales en un même cri : Non aux exécutions.

Leur déclaration se conclut ainsi :

« Les potences doivent être démantelées d’Iran.
Élevez vos voix et rassemblez-vous devant les prisons.
Soutenez, par tous les moyens possibles, les prisonniers condamnés à mort. »

Pour ces grévistes, la lutte pour la vie est indissociable de la lutte pour la liberté. Et pour le peuple iranien comme pour la communauté internationale, leur message soulève une question que nul ne peut ignorer :

Si les potences soutiennent la tyrannie, les briser devient un devoir national et humain.

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