Un pays à bout de souffle
L’aggravation de la crise économique en Iran – fruit de décennies de mauvaise gestion, de corruption et de répression sous le régime des mollahs – a conduit d’innombrables familles au bord de la survie. Ce qui paraissait impensable hier est devenu une sinistre réalité : la vente d’enfants pour subsister.
Dans des provinces déshéritées comme le Sistan-et-Baloutchistan ou le sud du Kerman, des familles piégées dans une misère extrême se voient contraintes de vendre leurs enfants pour obtenir de quoi se nourrir ou se loger.
Cette tragédie n’est pas le résultat d’un seul événement, mais le produit d’un déclin prolongé, nourri par des politiques économiques désastreuses, des sanctions étouffantes et une négligence systémique. La soi-disant « économie de résistance », tant vantée par le Guide suprême, s’est traduite pour des millions d’Iraniens ordinaires par la faim, le chômage et le désespoir.
Survivre à tout prix
Les sociologues iraniens parlent désormais de « stratégies de survie » – ces mécanismes auxquels les familles recourent pour endurer l’insupportable. Selon le sociologue Hossein Imani Jajarmi, ces stratégies incluent aujourd’hui l’envoi des femmes et des enfants au travail, souvent dans des conditions précaires et dangereuses.
Faute de soutien étatique ou de systèmes d’aide efficaces, les familles sacrifient ce qu’il leur reste de dignité simplement pour rester en vie.
Dans les régions les plus pauvres du pays, ces stratégies ont pris une tournure terrifiante. Des rapports en provenance du Sistan-et-Baloutchistan révèlent que des parents démunis vendent leurs enfants pour échapper à la famine. Ce geste n’est presque jamais dicté par la cruauté, mais par le désespoir – celui d’une population abandonnée par un État défaillant.
Les visages d’une génération oubliée
Les conséquences se lisent sur les visages des plus vulnérables : les enfants. Dans les zones rurales et frontalières comme le Sistan-et-Baloutchistan, beaucoup ne possèdent pas d’acte de naissance, ce qui les prive d’éducation et de soins. Dépourvus d’identité légale, ils deviennent invisibles pour l’administration – et des proies faciles pour l’exploitation.
Des milliers d’enfants baloutches, parfois âgés de seulement six ans, sont envoyés travailler dans les exploitations agricoles d’autres provinces, récoltant pistaches, dattes ou safran. Ils y peinent de longues heures pour des salaires dérisoires, sans protection légale et dans des conditions souvent dangereuses.
La récente tragédie survenue près de Mashhad, où plusieurs jeunes ouvriers baloutches – parmi eux Osman et Amirali – ont trouvé la mort sur la route les menant vers des champs agricoles, illustre les conséquences meurtrières de ce système.
Ces enfants, partis chercher de quoi vivre, sont morts sur une route qui symbolise à la fois la promesse et la trahison d’une nation ayant abandonné les siens. Leurs décès ne sont pas des accidents isolés, mais les symptômes d’un système d’exploitation enraciné dans la pauvreté, la discrimination et la négligence d’État.
Injustice structurelle et abandon de l’État
Des juristes, tels que Farshad Esmaeili, identifient trois causes majeures à cette crise : la privation des droits du travail, la pauvreté extrême et la marginalisation des zones rurales. Ces facteurs tissent un filet d’inégalités qui enferme les enfants dans des cycles d’exploitation.
Malgré ses déclarations, le régime n’a rien fait pour s’attaquer aux causes profondes de ce drame. Les lois du travail en Iran restent floues sur la question du travail des mineurs, permettant aux employeurs et aux intermédiaires de les exploiter sans crainte de sanctions. Les entrepreneurs locaux recrutent fréquemment des enfants issus de familles pauvres, les payant une fraction du salaire adulte et ignorant toute norme de sécurité.
Dans le monde, l’agriculture figure parmi les secteurs les plus dangereux pour les enfants travailleurs. En Iran, ces risques sont exacerbés par la misère régionale, la dangerosité des routes et les discriminations ethniques. Le résultat : un système qui se nourrit de la vulnérabilité de ceux qui ne peuvent se défendre.
Faim et malnutrition
Dans les provinces du Sistan-et-Baloutchistan, l’insécurité alimentaire atteint des niveaux alarmants. De nombreuses familles survivent avec pour seule nourriture du pain et du thé, et jusqu’à un tiers des enfants de moins de cinq ans souffrent de malnutrition sévère. Les conséquences – anémie, retard de croissance, troubles cognitifs – sont dévastatrices et durables.
La suppression des repas scolaires gratuits, autrefois un soutien vital pour les enfants défavorisés, a aggravé la situation. Les enseignants témoignent d’élèves trop faibles ou trop affamés pour suivre les cours. D’autres quittent l’école pour chercher du travail et soutenir leur famille.
Politiques défaillantes et promesses creuses
La réponse du régime à cette crise humanitaire relève davantage du spectacle que de la solution. Les programmes municipaux visant à « recueillir » les enfants des rues ou à distribuer des colis alimentaires temporaires n’apportent qu’un répit momentané. Ils ne s’attaquent en rien aux causes structurelles : le chômage, le manque de logements décents et l’effondrement du système éducatif.
Les experts alertent : sans réformes profondes en matière d’emploi, d’éducation et de protection sociale, la situation ne peut qu’empirer. Mais de telles réformes demeurent impossibles sous un régime dont la priorité reste la survie du pouvoir, non la justice sociale.
Un avertissement au monde
Le phénomène de la vente d’enfants dépasse la tragédie : il constitue une condamnation morale d’un régime qui a conduit l’un des pays les plus riches en ressources naturelles au bord de l’effondrement humanitaire. Il révèle le prix réel de décennies de corruption, de répression et d’incompétence économique sous la tutelle des mollahs.
Au XXIe siècle, le fait que des parents soient contraints de vendre leurs enfants pour échapper à la faim est le symbole de l’obscurité que fait naître la tyrannie. C’est un avertissement, non seulement pour l’Iran, mais pour le monde entier : la souffrance des familles iraniennes n’est pas une affaire intérieure, mais le fruit d’un système qui privilégie le pouvoir au détriment de l’humanité.


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