mercredi 8 octobre 2025

La catastrophe de l’eau en Iran

 L’Iran est à court d’eau et à court d’excuses. Alors que dix-neuf grands barrages sont sur le point d’être totalement épuisés et que trois sont déjà à sec, le pays est confronté à une crise non seulement environnementale, mais aussi politique : le résultat de décennies de corruption, de mauvaise gestion et de négligence sous le régime clérical. Les statistiques, publiées à contrecœur par l’agence de presse IRNA du régime le 5 octobre 2025, constituent un aveu que ce qui reste du système d’approvisionnement en eau vital de l’Iran est en train de s’effondrer.

Barrages réduits en poussière
Autrefois symboles du progrès industriel, les barrages iraniens sont devenus des monuments à l’échec. Le rapport de l’IRNA décrit une « détérioration sans précédent » des réserves d’eau à travers le pays, avertissant que dix-neuf grands réservoirs sont au bord de l’assèchement total. Trois d’entre eux, dont le nom n’apparaît même pas dans le rapport officiel, ont atteint une capacité de 0 %. Même la province du Fars, qui abrite historiquement certains des réseaux d’irrigation les plus importants d’Iran, a vu plusieurs grands barrages réduits à l’état de mares d’argile fissurée.

Pour un gouvernement qui a longtemps présenté la construction de barrages comme un symbole d’autosuffisance, la réalité est dévastatrice. Derrière les statistiques se cache un récit humain : des agriculteurs abandonnent leurs terres à Ispahan, Kerman et Khouzistan ; des villages entiers dépendent de l’eau acheminée par camion ; les robinets des villes fonctionnent à des heures rationnées. Des rivières comme le Zayandeh Rud, autrefois cœur de l’agriculture persane, ne coulent plus que dans les mémoires.

La soif de la capitale
La crise a désormais atteint Téhéran. Le 29 septembre, Isa Bozorgzadeh, porte-parole du régime pour le secteur de l’eau, a averti que « Téhéran se trouve en première ligne de la crise nationale de l’eau ». Hormis le réservoir de Talaghan, a-t-il admis, tous les barrages alimentant la capitale ont atteint ou sont proches de leur volume mort.

« Les réservoirs de Téhéran ne contiennent que 258 millions de mètres cubes d’eau », a-t-il déclaré, « contre 485 millions de mètres cubes l’an dernier et bien en deçà de la moyenne à long terme de 618 millions. » Autrement dit, la moitié des réserves d’eau de la capitale ont disparu en un an.

La liste des villes frappées par la sécheresse établie par Bozorgzadeh se lit comme une carte du pays : Machhad, Ispahan, Tabriz, Arak, Saqqez, Baneh, Bandar Abbas, chacune avec des réservoirs qui se réduisent et un mécontentement croissant. Les responsables invoquent la « guerre des 12 jours » et les « conditions spéciales » pour justifier les pénuries, mais les données révèlent une vérité bien plus ancienne : la catastrophe hydrique en Iran est d’origine humaine.

Une mauvaise gestion par décret
Les experts et même les technocrates du régime reconnaissent ce que le public sait depuis longtemps. Des années de construction incontrôlée de barrages, d’extraction d’eaux souterraines non réglementée et de clientélisme politique ont ravagé l’équilibre hydrologique de l’Iran. Les gouvernements successifs ont détourné des rivières pour alimenter des industries affiliées au régime ou des projets idéologiques vaniteux, ignorant les limites écologiques. Le contrôle centralisé du régime sur la répartition de l’eau a transformé une ressource naturelle en arme politique, récompensant les régions loyales, punissant les régions rétives et enrichissant les entrepreneurs liés aux Gardiens de la révolution.

Le résultat est ce que les écologistes appellent un « effondrement hydropolitique ». Les aquifères du centre et de l’est de l’Iran s’enfoncent de manière irréversible. Des déserts s’étendent là où se trouvaient autrefois des vergers. Le lac d’Ourmia, autrefois une vaste mer intérieure et symbole de la résistance écologique, a atteint des niveaux incommensurables, la majeure partie de son bassin étant réduite à des étendues de sel visibles depuis l’espace. Chaque crise suscite la même réaction des autorités : déni, propagande et invocation du destin divin.

Un régime sans plan
Même si les responsables tirent la sonnette d’alarme, leurs solutions restent superficielles. Le ministère de l’Énergie propose de transférer l’eau de la mer Caspienne ou du golfe Persique, des projets nécessitant des milliards de dollars et des années d’infrastructures que le régime ne peut pas se permettre. D’autres prônent l’ensemencement des nuages, une distraction pseudo-scientifique face à la corruption institutionnelle. Pendant ce temps, la corruption garantit que tout investissement existant est siphonné avant même qu’une seule goutte n’atteigne le sol.

Les dirigeants théocratiques iraniens présentent la pénurie comme une catastrophe naturelle, mais leurs propres documents les trahissent. Lorsque les journaux gouvernementaux utilisent le mot « famine » pour désigner les réservoirs, ce n’est plus un avertissement, mais un verdict.

La sécheresse politique
La crise de l’eau est plus qu’une défaillance technique ; Elle reflète la faillite morale et administrative de l’État lui-même. Un gouvernement qui survit grâce à la répression et à la confrontation extérieure ne peut garantir la coopération, la transparence ni l’autonomisation locale, pourtant essentielles à une gestion responsable des ressources. L’eau, comme la vérité, exige une circulation ; sous la dictature, elles stagnent et disparaissent.

Le même régime qui dépense des milliards pour armer des intermédiaires à travers le Moyen-Orient ne peut maintenir l’eau courante à Téhéran.

Tandis que les missiles sillonnent les terrains de parade, les réservoirs du pays se réduisent en poussière. Tandis que l’élite cléricale se dispute les cessez-le-feu à l’étranger, les Iraniens ordinaires font la queue pour obtenir des rations d’eau chez eux.

Terre sèche, promesses sèches
La sécheresse actuelle n’est pas la première en Iran, mais elle pourrait bien marquer son point de rupture. Dix-neuf barrages vides ne sont pas que des statistiques : ils symbolisent une nation exsangue, dont l’énergie vitale a été troquée contre le pouvoir, la propagande et le profit. L’effondrement environnemental est désormais indissociable du déclin politique, et l’histoire montre où mène une telle pénurie. Lorsque les rivières se sont taries par le passé, que ce soit à Ispahan, au Khouzistan ou à Yazd, les manifestants ont envahi les rues, réclamant à cor et à cri l’eau et la justice.

La même colère couve désormais sous la terre craquelée. Alors que les puits tombent en panne et que les villes rationnent chaque goutte, la population ne perçoit plus la sécheresse comme une fatalité, mais comme l’échec du régime. Un gouvernement incapable de fournir de l’eau ne peut contenir longtemps la contestation.

Tant que les dirigeants iraniens ne seront pas tenus responsables d’avoir transformé les rivières en discours et les politiques en terres désolées, le pays continuera d’avoir soif – non seulement d’eau, mais aussi d’une gouvernance compétente qui pourrait rendre le renouveau possible.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire