jeudi 14 novembre 2024

L’utilisation inhumaine de l’amputation des doigts comme sanction judiciaire en Iran

 – L’Iran a été critiqué à plusieurs reprises pour avoir recours à des châtiments corporels sévères, en particulier l’amputation des doigts, dans le cadre de son système judiciaire. Malgré la condamnation internationale, les tribunaux iraniens continuent de prononcer et d’exécuter des peines d’amputation, notamment pour des délits liés au vol. Ces châtiments violent non seulement les droits de l’homme fondamentaux, mais infligent également des traumatismes psychologiques et physiques durables aux personnes qui les subissent. Ce rapport examine des cas récents d’amputation des doigts en Iran, met en lumière le contexte historique et juridique de ces châtiments et souligne la nécessité urgente d’une pression internationale pour mettre fin à ces pratiques inhumaines.

Cas récents d’amputation des doigts

1. Vol de coffres bancaires – Armin et Hatef

Le 28 octobre 2024, deux hommes, Armin et Hatef, ont été condamnés à l’amputation de leurs doigts par un tribunal pénal de Téhéran. Ils étaient accusés d’avoir orchestré un vol de coffres-forts dans une banque nationale de Téhéran. La Cour suprême a confirmé la sentence à l’issue d’un procès qui s’est tenu en septembre 2024, citant la « corruption sur terre » et le « vol hudud » comme motifs de leur punition. La sentence prévoit l’amputation de quatre doigts de la main droite pour chacun des accusés.
Armin a tenté de se suicider en prison en septembre 2024, apparemment en raison de la détresse psychologique causée par une peine aussi sévère.

2. Amputation pour vol présumé de bétail – Yousef T.

Dans un autre cas troublant, le 17 juillet 2023, les doigts d’un prisonnier de 35 ans nommé Yousef T. ont été amputés à la prison centrale de Qom. Yousef était accusé d’avoir volé cinq moutons à un éleveur de bétail affilié au Corps des gardiens de la révolution islamique (les pasdarans). Bien qu’il ait clamé son innocence tout au long de ses 13 mois d’emprisonnement, la sentence a été exécutée avec une efficacité qui fait froid dans le dos. Fait troublant, d’autres détenus auraient été forcés d’assister à l’amputation, qui a été réalisée à l’aide d’une guillotine mécanique.
Cette affaire met en lumière la dureté du traitement infligé aux personnes issues de milieux économiquement défavorisés. Yousef, un ouvrier du bâtiment qui avait du mal à joindre les deux bouts, a été arrêté dans des circonstances douteuses alors qu’il travaillait sur un projet dans la ferme de la victime. Les tactiques coercitives utilisées pour obtenir des aveux et l’absence de procédure régulière soulèvent des questions quant à l’intégrité des procédures judiciaires iraniennes.

3. Le cas de Shahab et Mehrdad Teimouri – Frères amputés

Le 28 octobre 2024, deux frères, Shahab et Mehrdad Teimouri, ont été amputés de doigts à la prison centrale d’Urmia. Ces hommes, originaires de Sarpol-e Zahab mais résidant à Karaj, étaient accusés de vol. Les frères ont été brièvement hospitalisés avant d’être renvoyés en prison sans soins médicaux adéquats. Selon certaines sources, les responsables de la prison ont ordonné que les doigts amputés soient enterrés, ce qui met encore plus en évidence le traitement inhumain des personnes soumises à de telles peines.
Malgré les objections de leurs avocats commis d’office et les recours devant les juridictions supérieures, les peines ont été exécutées. Ce cas illustre l’application impitoyable des châtiments hudud en Iran, qui persistent malgré les objections internationales en matière de droits de l’homme.

4. Le cas de Hadi Rostami : Battu et envoyé à l’isolement

Le 5 février 2024, Hadi Rostami, un prisonnier condamné à l’amputation des doigts de la main droite, a été brutalement battu par des gardiens de prison en réponse à ses protestations incessantes. À la suite de cette agression, menée par des gardiens identifiés comme Babaei et Daniyali, Rostami a été transféré à l’isolement avec des blessures visibles, y compris des blessures à la tête qui ont provoqué des saignements. Dans un acte de résistance désespérée, Rostami a entamé une grève de la faim sèche immédiatement après son transfert.
Dans une lettre écrite depuis la prison, Rostami a révélé qu’il avait été injustement condamné, affirmant qu’il n’avait aucune implication dans 20 des 28 affaires de vol qui lui ont été imputées. Malgré ces affirmations et l’absence de preuves concrètes, le tribunal a rejeté sa défense et a prononcé une peine cruelle d’amputation des doigts.

5. Menaces d’amputation des doigts imminente à la prison d’Oroumieh

En juin 2024, lors d’une visite officielle à la prison centrale d’Oroumieh, Nasser Atabati, directeur général du département de la justice de la province d’Azerbaïdjan occidental, et Majidi, procureur d’Oroumieh, auraient menacé quatre prisonniers d’exécuter immédiatement leur peine d’amputation d’un doigt. Ces hommes, tous accusés de vol, sont actuellement détenus dans des conditions difficiles. Mehdi Sharafian (38 ans), Mehdi Shahivand (43 ans), Kasra Karami (41 ans) et Morteza Esmailian (44 ans) risquent de subir ce sinistre châtiment.

Contexte historique et base juridique de l’amputation des doigts en Iran

La pratique de l’amputation de la main en Iran trouve son origine dans l’article 278 du code pénal islamique, qui autorise cette forme de punition pour le « vol hudud » – une catégorie de vol qui répond à des critères juridiques stricts, tels que le vol d’un bien d’une certaine valeur dans un lieu sûr. Pour les primo-délinquants, la peine consiste généralement en l’amputation de quatre doigts de la main droite, ne laissant que le pouce et la paume intacts. En cas de récidive, les sanctions peuvent aller jusqu’à l’amputation du pied gauche.

Cette forme sévère de châtiment corporel n’est pas un phénomène récent en Iran ; au cours des quarante dernières années, on a recensé de nombreux cas où des personnes accusées de vol ont été amputées de leurs doigts ou de leurs mains, parfois même au vu et au su de tous. Selon le Bureau des droits de l’homme des Nations unies, entre 2000 et 2020, au moins 237 personnes ont été condamnées à l’amputation, et 129 d’entre elles ont été exécutées. Le nombre réel de victimes est probablement plus élevé, car de nombreux cas ne sont pas signalés.

Malgré la condamnation internationale généralisée, les autorités iraniennes ont continué à appliquer ce châtiment brutal au-delà de 2020. Le 27 juillet 2022, un appareil semblable à une guillotine a été utilisé pour amputer les doigts de Pouya Torabi, un homme d’une trentaine d’années, à la prison d’Evine, à Téhéran. Après la procédure, à laquelle des fonctionnaires et un médecin ont assisté, Torabi a été transporté d’urgence à l’hôpital en raison d’une grave hémorragie.

De même, le 31 mai 2022, les autorités ont amputé les doigts de Sayed Barat Hosseini sans lui administrer d’anesthésie. Après l’intervention, Hosseini a été remis à l’isolement dans la prison d’Evin, où il s’est vu refuser les soins médicaux nécessaires, ce qui a entraîné de graves traumatismes et infections. Ces cas mettent en évidence le recours permanent à des châtiments cruels et inhumains en Iran, en dépit des obligations qui incombent à ce pays en vertu de la législation internationale sur les droits de l’homme.

Utilisation accrue de dispositifs mécaniques pour les amputations

Des informations provenant de plusieurs prisons indiquent que des dispositifs mécaniques, ressemblant à des guillotines, sont de plus en plus utilisés pour procéder à des amputations. Par exemple, dans les prisons de Qom et d’Oroumieh, ces appareils sont utilisés pour couper les doigts avec une efficacité brutale. Les victimes sont souvent privées de soins post-opératoires adéquats, ce qui entraîne des infections et des souffrances prolongées. Dans certains cas, comme celui de Hadi Rostami, qui a été transféré dans plusieurs prisons sous la menace d’une amputation, les autorités utilisent la menace de ce châtiment pour intimider et contrôler les détenus.

Le cas de Rostami est particulièrement flagrant. Le 5 février 2024, il a été battu par des gardiens et placé à l’isolement après avoir protesté contre sa condamnation. Bien qu’il ait affirmé à plusieurs reprises qu’il n’était pas impliqué dans les nombreux vols dont il était accusé, les tribunaux n’ont pas tenu compte de sa défense et ont maintenu la peine d’amputation de quatre doigts de la main droite.

Condamnation internationale

La pratique de l’amputation de la main en tant que sanction judiciaire constitue une violation flagrante de la législation internationale en matière de droits de l’homme, notamment de la Convention contre la torture et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), que l’Iran a tous deux ratifiés. Ces traités interdisent les peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants. Pourtant, le système judiciaire iranien continue d’imposer de telles peines, souvent sans procès équitable ni représentation légale appropriée pour l’accusé.

La persistance de l’amputation des doigts comme peine légale en Iran n’est pas seulement une violation flagrante des droits de l’homme, mais aussi un rappel brutal de la volonté du régime de recourir à des mesures brutales pour garder le contrôle. L’utilisation de telles punitions médiévales met en évidence le besoin urgent d’une intervention internationale.

Iran HRM demande instamment aux organisations de défense des droits de l’homme, aux organismes internationaux et aux gouvernements étrangers de continuer à faire pression sur les autorités iraniennes pour qu’elles abolissent la pratique de l’amputation.

La communauté internationale ne doit pas rester silencieuse face à des abus aussi manifestes. Il est impératif d’exiger de l’Iran qu’il mette immédiatement fin à l’exécution des peines d’amputation et qu’il accorde des réparations à ceux qui ont déjà souffert de cette pratique cruelle.

Source : Iran HRM/CSDHI 

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