jeudi 3 septembre 2020

Iran : Vahid et Navid Afkari parlent des tortures qu’ils ont subies

 CSDHI – En tant qu’être humain du XXIe siècle, je ne sais pas comment me défendre. Je suis innocent ! Et pourtant j’ai été torturé !

Trois frères ayant participé aux manifestations de Chiraz en 2018 ont été injustement condamnés. Navid Afkari et son frère Vahid ont envoyé des lettres et des enregistrements audios hors de prison, afin de révéler leurs tortures.

Navid et Vahid Afkari sont accusés d’avoir tué un agent du service des eaux et des égouts qui participait à la répression des manifestations. C’est une accusation rejetée par les deux frères et pour laquelle ils ont plaidé non coupable. Cependant, leurs plaidoyers sont tombés dans l’oreille d’un sourd.

Navid Afkari pense qu’ils cherchent une autre tête à pendre

Navid Afkari a été condamné à une double peine de mort, 6 ans et demi de prison et 74 coups de fouet.

Ce champion de lutte est âgé de vingt-sept ans. Il a décrit dans une lettre ouverte depuis la prison comment il a été torturé au centre de détention du renseignement de Chiraz.

« Ils m’ont mis un sac en plastique sur la tête et ils m’ont presque étouffé. Avec des matraques et des objets durs, ils m’ont violemment frappé sur les mains, l’abdomen et les jambes. Ils ont utilisé un langage grossier et m’ont insulté fréquemment. Ils m’ont attaché fermement et ont versé de l’alcool dans mes narines. »

Navid Afkari a dit qu’il avait tenté de se suicider sous la pression des torture psychologiques et physiques. En conséquence, il a déposé une demande auprès de la première branche pénale de la province de Fars pour enquêter sur les tortures qu’il avait subies. Cependant, la cour suprême a confirmé son verdict et elle a rejeté son appel.

Mais il continue de résister

Navid Afkari a également envoyé un enregistrement audio. Il y affirme : « La première fois que j’ai posé le pied sur le matelas de lutte, j’ai appris à résister à l’oppression et aux mensonges… Lorsque j’ai été libéré de la pression de l’isolement cellulaire au sous-sol et des tortures, et que je suis arrivé en prison, j’ai immédiatement écrit aux différentes autorités judiciaires. J’ai déposé plainte et j’ai crié que « je n’étais pas un meurtrier ». J’ai demandé à être examiné par le médecin légiste. Le médecin et d’autres témoins oculaires ont confirmé que j’avais été torturé. Dans ma défense, j’ai écrit que mes aveux avaient été faits sous la torture. Dans mon cas, il n’y a pas une seule raison ou un seul document qui indique que nous sommes coupables. Mais ils n’ont pas voulu nous écouter. Puis, j’ai appris qu’ils cherchaient une autre tête à pendre à leur noeud coulant. »

Ne jamais arrêter de clamer son innocence

Vahid Afkari : Je suis innocent !

Vahid Afkari a également envoyé un enregistrement vidéo disant qu’il avait été sauvagement torturé. Il a ajouté qu’il n’avait aucune chance de se défendre au tribunal.

L’enregistrement audio de Vahid Afkari a été publié en ligne le 31 août. Il passe en revue la manière dont il a été arrêté, son séjour en isolement, ses tortures et son procès.

Dans une lettre de la prison, Vahid Afkari avait déclaré son innocence. Néanmoins, a-t-il dit, ses tortionnaires et le juge qui préside le procès n’ont pas tenu compte de ses déclarations. En fin de compte, ils l’ont condamné.

Vahid Afkari a déclaré : « Personne ne m’a écouté ces deux dernières années. »

Il a entamé une grève de la faim sèche pendant 20 jours pour faire entendre sa voix, mais cela n’a servi à rien. Par la suite, il a donc tenté de se suicider. Peut-être serait-il ainsi entendu. Il a été dans le coma pendant trois jours, et pourtant, il n’a pas été entendu. Vahid Afkari a lancé un appel à l’aide au peuple iranien : « Je n’ai pas d’autre moyen que la logique et la loi. Je n’ai pas d’autre option. Comment puis-je dire aux gens que je suis innocent ? Le peuple d’Iran, je suis innocent ! »

Une méthode d’arrestation et de torture

Dans sa lettre, il décrit certaines scènes de torture.

« Ils m’ont arrêté chez moi puis ils m’ont emmené, les yeux bandés et les menottes aux poignets. Ils m’ont jeté dans une cellule d’isolement. Je ne savais pas quand c’était le jour ou la nuit. Je pouvais à peine dormir. Le lendemain, ils m’ont emmené chez une personne dont j’ai découvert plus tard que c’était l’interrogateur. Les yeux bandés, il m’a demandé où j’étais le 2 août 2018, à 23h30. J’ai répondu que personne ne se souvenait de l’endroit où il se trouvait il y a une semaine. Comment pourrais-je me souvenir d’il y a un mois et demi ?

J’ai passé des jours et des semaines en isolement. D’après les documents de mon dossier, je n’ai signé aucun papier, ni au bureau des enquêteurs, ni au tribunal. Bien qu’ils m’aient insulté et torturé, je n’ai pas cédé. Ils ont même arrêté mon père et mon beau-frère. Et finalement, ils ont menacé d’arrêter le reste de ma famille. Mais personne ne m’a écouté quand j’ai dit que j’étais innocent.

La tentative de suicide

A tort ou à raison, j’ai décidé de me suicider, peut-être qu’ainsi, quelqu’un m’entendrait. Peut-être, qu’ainsi Navid sortirait de cette situation.  Après 20 jours de grève de la faim sèche, j’ai cassé un verre et me suis tranché le cou. J’ai ouvert les yeux à l’hôpital Namazi après trois jours de coma. Encore une fois, personne n’a entendu ma voix.

J’ai ensuite été transféré au centre de détention du renseignement où j’ai encore subi diverses formes de torture dès mon arrivée. Ils m’ont couvert la tête avec un sac en plastique et l’ont attachée fermement. Au bout d’une minute, ils l’ont ouvert et l’ont à nouveau attaché.

Comme mes membres étaient enchaînés, ils m’ont frappé avec des électrochocs. Ils m’ont pendu la tête en bas. Ils ont frappé la plante de mes pieds avec des bâtons. Ensuite, ils m’ont forcé à marcher sur les pieds, afin que les bleus ne restent pas.

Ils sont allés chercher mon journal chez moi puis ils l’ont apporté dans la salle d’interrogatoire, lisant les parties très intimes. Ils ont menacé d’arrêter ma mère et ma soeur si je n’écrivais pas ce qu’ils me dictaient.

Le juge n’a fait que me ridiculiser

Finalement, le 27 avril 2019, nous avons transférés devant la 1ère branche du tribunal pénal n°1 pour être jugés.

La famille de la victime du meurtre a nié nous connaître dès le début.

Le juge qui présidait la cour était Mehrdad Tahamtan. Il m’a demandé : « Acceptez-vous l’accusation de complicité de meurtre ? » Je lui ai répondu : « Comment pourrais-je me défendre quand je ne sais rien de l’affaire. Si quelqu’un prétend m’avoir vu à l’endroit et au moment où le meurtre a eu lieu, montrez-le-moi. Dans l’hypothèse où vous avez pu tracer mon portable sur le lieu du meurtre, présentez-moi votre document. Au cas où l’image de ma voiture sur le lieu du meurtre ou à proximité a été enregistrée par une personne ou par des caméras, dites-le-nous. A la condition que vous ayez découvert chez nous l’arme qui a servi à commettre le meurtre, montrez-la-nous. Si vous avez découvert des preuves de crime dans nos affaires et notre mobilier, vous devez les présenter !

Il ne fait aucun doute que ces preuves n’existent pas, car nous sommes innocents.

La confrontation avec le juge

Puis le juge a commencé à me fixer.

Je lui ai alors dit que j’avais des témoins qui pouvaient attester que je n’étais pas sur le lieu du meurtre au moment où il a été commis. Et j’ai ajouté : « Vous ne possédez pas de documents indiquant que j’ai commis un crime. Vous m’avez enfermé pendant deux ans alors que j’étais innocent.

J’ai pris la parole, mais je n’ai reçu aucune réponse, sauf du ridicule. Le juge n’arrêtait pas de me demander : « Acceptez-vous votre accusation ? » Et il l’a répété encore et encore.

J’ai demandé verbalement et par écrit, que les médias soient présents pendant notre procès et filment la procédure, mais le juge a dit que ce ne sont que des protocoles. Je ne pense pas qu’il soit juste de filmer le procès.

Je vous demande, à vous, les gens, pourquoi ont-ils toujours été en désaccord avec le fait que notre procès soit filmé ?

Le peuple d’Iran,

Je jure sur ma dignité, sur mon humanité, que je suis innocent. Mon affaire est là. Elle ne contient et ne contiendra jamais aucun document contre moi, parce que je suis innocent.

Aujourd’hui, les valeurs de la dignité ont été déformées. Pour montrer qu’elles protègent la sécurité, elles arrêtent des personnes innocentes sans avoir aucun document contre elles. Ils les jugent et les condamnent sans preuves. Ils leur ôtent la vie et, pire encore, ils les exécutent.

En tant qu’être humain du 21e siècle, je ne sais pas comment me défendre malgré cette longue civilisation ? Comment pourrais-je demander aux gens de m’aider ? Je n’ai pas d’autre moyen que la logique. Sans d’autre choix que la loi. Sans aucune autre option.

Le peuple d’Iran,

Je suis innocent.

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