Cette lettre fait écho à la voix d’une courageuse prisonnière politique en Iran, depuis derrière les murs de la prison. Elle révèle la souffrance des femmes incarcérées et la sombre réalité de la torture ; elle est un témoignage de courage inébranlable — une vérité qui doit être entendue.
Au nom de la liberté et de la justice
Derrière les murs de la prison
À tous ceux qui entendent ma voix
J’écris depuis derrière ces murs de prison imposants et froids, où ni le soleil, ni le froid glacial, ni même l’oppression ne nous épargnent.
Ici, à la prison d’Amol, les prisonnières sont punies en étant attachées aux barres de fer, les mains liées, et laissées à souffrir des heures durant sous le soleil brûlant ou dans le froid perçant. Ici, chaque souffle est alourdi par la répression et la cruauté.
Les épreuves auxquelles les femmes dans les prisons des petites villes font face ne cessent jamais. Il n’y a pas de bibliothèque digne de ce nom. La nourriture est à peine suffisante pour apaiser la faim. Il n’y a rien pour passer le temps, à part les murs et quelques couvertures en lambeaux, nos cellules semblent sans fin vides. Des jours, parfois des semaines, s’écoulent en isolement—sans interrogatoire, sans reconnaissance—oubliées, comme si nous n’avions jamais existé.
Mais les centres de détention comme “Vozara” et “Shapour” sont encore pires. Ici, même un verre d’eau est hors de notre portée. Ici, les bruits de la torture, les cris de douleur, et le silence des vies éteintes ne cessent jamais. Nombreuses sont celles qui ont été torturées dans ces lieux—certaines ont été violées, d’autres n’en sont jamais ressorties vivantes.
Chaque jour, des dizaines sont emmenées à la potence—accusées de meurtre, de vol, de trafic de drogue, ou simplement pour leurs convictions politiques. Certaines ont enduré des années d’isolement avant leur exécution, tandis que d’autres périssent quelques jours seulement après leur arrestation.
Pourtant, au milieu de toute cette souffrance, notre résistance demeure intacte. Nous avons appris qu’en dépit du manque de ressources, au cœur de la torture, dans les profondeurs de l’hiver et de la répression, nous devons rester unies.
Nous avons découvert que rien ne reste le même éternellement. Même dans les moments les plus sombres, nous avons appris à garder l’espoir vivant.
Au fil de ces années d’emprisonnement—que ce soit à Amol, Vozara, ou Shapour—j’ai compris que notre résilience est la chute ultime de la tyrannie. Peu importe leur statut, les exécuteurs de l’oppression se courberont un jour devant notre défi inébranlable.
Nous avons la même âme que les révolutionnaires tombés comme Golesorkhi—ceux qui, même lors de procès fictifs, ont défendu le peuple avant de se défendre eux-mêmes. Les prisons peuvent être différentes, mais notre lutte est la même. Ici, derrière ces murs de fer, malgré chaque épreuve, nous restons fermes—et nous continuerons de nous battre.
Jusqu’au jour où nos voix résonneront à travers le monde.
Une prisonnière combattante
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1 Khosrow Golesorkhi (1944–1974) était un poète, journaliste et militant politique iranien, connu pour ses vues révolutionnaires. Il était un critique farouche de la monarchie Pahlavi et utilisait sa poésie et ses écrits pour plaider en faveur de la justice sociale et de la résistance contre l’oppression. Golesorkhi est surtout reconnu pour son engagement en faveur des droits du peuple iranien et pour sa lutte contre le régime autoritaire en place. Il a été exécuté en 1974, un martyr de la lutte pour la liberté et la justice en Iran.
Source: CNRI Femmes

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