Le 21 août 2025, dans un article d’opinion profondément troublant paru en première page d’Etemad et intitulé « Khavaran : un défi à relever », Emadeddin Baghi, ancien initié du régime et chroniqueur au quotidien Kayhan, réécrit le récit des exécutions massives de 1988 en Iran.
Baghi recadre de manière grotesque les exécutions massives planifiées et préméditées de prisonniers politiques en 1988, les présentant à tort comme des actions regrettables mais nécessaires, prises après l’opération « Lumière éternelle » de l’Armée de libération nationale (ALN). Pourtant, les témoignages de prisonniers et de témoins montrent clairement que le massacre avait été préparé des mois à l’avance et avait déjà commencé avant l’opération de l’ALN. Baghi cite l’ayatollah Montazeri de manière sélective pour insinuer que, même s’il a pu remettre en question les exécutions secondaires, il a accepté le meurtre des « agents de l’OMPI ». Ce faisant, il omet délibérément la condamnation sans réserve par Montazeri du massacre, le qualifiant de « plus grand crime » de la dictature cléricale. Toute affirmation contraire n’est que propagande et déformation historique.
Tout aussi cynique est la tentative de Baghi d’absoudre le président de l’époque, Ali Khamenei, en affirmant que les archives audio de Montazeri montrent qu’il ignorait les exécutions et qu’il « a tenté de les empêcher ». Il s’agit d’une affirmation non authentifiée, dépourvue de preuves vérifiables, qui tente désespérément de blanchir l’une des figures centrales du régime de toute implication directe.
Baghi soutient la décision de la municipalité de Téhéran de détruire les lieux de sépulture des prisonniers exécutés – dont beaucoup ont été enterrés secrètement au cimetière de Khavaran, sans que leurs familles y aient accès. Il justifie la transformation de ces cimetières en parcs par des traditions d’urbanisme et des vides juridiques. En réalité, il s’agit d’une stratégie d’effacement de la mémoire collective, rendant invisible la violence cautionnée par l’État et bloquant toute voie vers la vérité ou la justice.
Le plus révoltant est l’instrumentalisation par Baghi des familles des victimes, les mères Khavaran – qui affirment avoir récemment condamné les attaques israéliennes et américaines – pour prétendre qu’elles devraient être « récompensées » par un accès à Khavaran, en guise de marque de bonne volonté. Il instrumentalise leur douleur au service de la propagande d’État, tentant de transformer leur souffrance en un symbole pseudo-nationaliste glorifiant de manière perverse le régime même responsable du meurtre de leurs proches.
Cette manipulation n’est pas seulement cynique, elle est criminelle. Baghi transforme le sang des victimes en munitions pour alimenter l’unité nationale fabriquée par son régime.
Cette tentative désespérée de réécrire l’histoire révèle bien plus que ce que le régime souhaite. En effaçant les tombes, en déformant les aveux de l’ayatollah Montazeri et en instrumentalisant le chagrin des familles des victimes, l’establishment religieux tente de rompre le lien entre les revendications nationales actuelles et la résistance organisée qui défie son autorité depuis des décennies.
Pourtant, ces efforts ne font que souligner la crainte la plus profonde du régime : l’influence persistante de l’Organisation des Moudjahidine du peuple d’Iran (OMPI/MEK). Le massacre de 1988 visait à éliminer l’OMPI et à enterrer ses idéaux avec ses corps. Mais alors que l’Iran est confronté à un effondrement économique sans précédent, à des manifestations pour les besoins essentiels et à des fissures croissantes au sommet du pouvoir, ces mêmes idéaux refont surface dans les rues.
Le régime sait que le souvenir des personnes massacrées – et du mouvement qu’elles représentaient – le hante toujours, alimentant les appels croissants à la justice et à la liberté. C’est précisément cette convergence explosive de troubles sociaux et d’opposition organisée qui terrifie les dirigeants de Téhéran et qui motive leur campagne incessante pour effacer leur passé sanglant.

Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire