Un nouvel article du journal Etemad a révélé une choquante crise des féminicides en Iran : entre 45 et 62 femmes ont été tuées par des proches masculins au cours des quatre à six premiers mois de 2025. Publié le 8 novembre, le rapport documente plusieurs cas récents illustrant non seulement la violence domestique, mais aussi la misogynie profondément enracinée et institutionnalisée par le régime au pouvoir.
Parmi les victimes figurent Shahla Karimiani, 38 ans, de Mahabad, assassinée et enterrée secrètement par son mari ; une femme de 32 ans, non identifiée, de Marvdasht, délibérément renversée par deux hommes ; une octogénaire de Téhéran tuée par son fils ; et Fereshteh Darban, 29 ans, de Mashhad, dont le corps brûlé a été retrouvé après que son père l’a tuée.
D’autres victimes incluent Maryam Jafari, 34 ans, de Mashhad, tuée par son mari après avoir demandé le divorce ; Reyhaneh Darzadeh, une femme baloutche de 23 ans ; et Sajedeh Sandakzehi, 20 ans, de Khash — toutes deux assassinées par leurs maris. Dans un autre cas, Leila, une jeune fille de 18 ans originaire de Zanjan, a été brûlée vive par un prétendant qu’elle avait rejeté. Son frère a confié à Etemad que la famille avait déposé plusieurs plaintes face aux menaces de l’homme, mais que les autorités n’avaient pris aucune mesure « parce qu’il ne s’était encore rien passé ». Il a ajouté :
« Ce n’est qu’après qu’il a brûlé ma sœur vive que le système a commencé à agir — trop tard pour la sauver. »
Beaucoup des femmes assassinées étaient des mères, tuées par leurs propres fils pour s’être remariées après un divorce ou un veuvage, les meurtriers invoquant la défense de « l’honneur » ou de la « fierté familiale ».
Un schéma d’impunité
L’Association iranienne de sociologie avait précédemment recensé 63 cas de meurtres conjugaux sur la même période, suggérant que les chiffres officiels sous-estiment largement l’ampleur réelle des meurtres liés au genre. Etemad avertit :
« Nous ne pouvons plus dire aux femmes de simplement mieux connaître leurs droits — car la conscience de leurs droits n’a pas sauvé celles qui sont mortes. »
Des militantes citées par le journal dénoncent la crise des féminicides et l’absence totale de lois dissuasives. Selon le code pénal du régime, les hommes qui tuent des parentes bénéficient souvent d’une impunité quasi totale. Comme l’a expliqué une défenseure des droits des femmes à Marivan :
« Beaucoup d’entre nous connaissent, dans nos propres familles, quelqu’un qui a été tuée par son mari ou a subi des menaces de meurtre — mais la plupart de ces affaires restent tues. »
Une autre militante, originaire du Khouzistan, souligne les obstacles culturels et juridiques :
« Quand un frère tue sa sœur, comment un père peut-il poursuivre son propre fils ? Dans notre société, tuer au nom de “l’honneur” peut même être perçu comme un signe de virilité. »
Etemad rapporte également que, rien que pendant les mois de septembre et octobre, des dizaines de femmes ont été tuées par des membres de leur famille, nombre d’affaires étant étouffées par les autorités ou simplement mentionnées brièvement sur les réseaux sociaux. Ce qui accentue la crise des féminicides en Iran.
Le journal note que la majorité des féminicides ne sont même pas enregistrés comme tels : ils sont classés comme meurtres ordinaires, rendant impossible l’évaluation du nombre réel de femmes tuées dans un contexte de violence domestique. Le bilan réel est donc bien plus élevé que ne le laissent entendre les statistiques officielles.
La négligence légale du régime
Malgré des années de promesses, le régime n’a toujours pas adopté le projet de loi sur la « Protection, la dignité et le soutien des femmes contre la violence ». Le 6 novembre, Zahra Behrouz-Azar, adjointe du gouvernement pour les affaires des femmes et de la famille, a affirmé que le gouvernement « élaborait de nouvelles directives » pour faire avancer la loi — une nouvelle promesse vague, après des années de blocage délibéré.
Cette paralysie législative traduit la misogynie systémique du régime : un système juridique et politique qui considère les femmes comme des citoyennes de seconde zone et protège leurs agresseurs. Selon le code pénal iranien, un homme peut tuer sa femme, sa fille ou sa sœur en invoquant la « défense de l’honneur » et bénéficier d’une peine réduite, voire de l’impunité.
Double répression : la violence et le silence
Les femmes en Iran subissent une double répression : la violence physique au sein des familles et la violence institutionnelle de l’État. Les lois du régime leur refusent l’autonomie sur leur corps, leurs déplacements et leur manière de s’habiller, tandis que ses forces de sécurité répriment brutalement celles qui manifestent pour leurs droits fondamentaux.
Le même État qui impose le voile obligatoire et interdit aux femmes l’accès aux stades détourne le regard quand elles sont brûlées, battues ou assassinées chez elles.
La crise des féminicides en Iran n’est pas un phénomène isolé : elle s’inscrit dans une culture de misogynie d’État. En refusant de criminaliser la violence domestique et en perpétuant des lois discriminatoires, le régime crée un système où les hommes tuent sans crainte, et les femmes meurent sans justice.
Quand la loi elle-même devient complice, la simple sensibilisation ne suffit plus — et le silence devient une autre forme de violence.


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