Un destin suspendu à une rançon
À seulement 25 ans, Goli Kouhkan se trouve depuis sept ans dans le couloir de la mort de la prison centrale de Gorgan, dans le nord de l’Iran.
Son crime : avoir été mêlée à la mort de son mari, un homme violent qu’elle avait été forcée d’épouser alors qu’elle n’était qu’une enfant.
Condamnée à la qisas — la loi du talion qui autorise la peine capitale pour meurtre — elle pourrait échapper à la pendaison si elle parvient à réunir 10 milliards de tomans (environ 80 000 £) à verser à la famille de la victime avant décembre.
Une enfance confisquée, une vie sans issue
Goli est née au sein de la minorité baloutche, l’une des plus marginalisées du pays. Sans papiers d’identité officiels, elle a été mariée à son cousin à l’âge de 12 ans, est tombée enceinte à 13 ans et a donné naissance à un fils.
Pendant des années, elle a subi des violences physiques et psychologiques. Une fois, après s’être enfuie chez ses parents, son père lui aurait répondu :
« Je t’ai donnée en robe blanche, tu ne reviendras qu’en linceul. »
Le jour du drame, elle découvre son mari frappant leur fils de cinq ans. Paniquée, elle appelle un cousin à l’aide. Une bagarre éclate et le mari est tué. Goli Kouhkan prévient immédiatement les secours et raconte la vérité. Mais sans avocat, analphabète et sous la pression des interrogateurs, elle signe une confession.
La mort ou le pardon
En Iran, la famille d’une victime peut pardonner le meurtrier en échange d’une compensation financière, le diyah, ou « argent du sang ». Les autorités pénitentiaires ont négocié un accord : si Kouhkan paie 10 milliards de tomans et quitte la ville de Gorgan, sa vie sera épargnée.
Mais elle restera séparée de son fils, aujourd’hui âgé de 11 ans, élevé par ses grands-parents paternels.
« Goli Kouhkan appartient à une minorité, elle est pauvre et c’est une femme : les trois conditions de la vulnérabilité totale en Iran, » déclare Mahmood Amiry-Moghaddam, directeur d’Iran Human Rights (IHR).
« Sa condamnation illustre comment le régime utilise la peine de mort pour instaurer la peur et perpétuer la discrimination. »
Des femmes invisibles et sacrifiées
Pour Ziba Baktyari, militante de l’organisation Bramsh qui défend les droits des femmes baloutches, l’histoire de Goli Kouhkan n’a rien d’exceptionnel :
« Les femmes baloutches, comme tant d’autres, sont piégées dans un système patriarcal brutal. On les marie très jeunes, on les prive d’éducation et de droits. Le monde ignore leur existence. »
Selon Iran Human Rights, l’Iran exécute plus de femmes que tout autre pays au monde.
En 2024, au moins 31 femmes ont été pendues — un record depuis quinze ans. Et 30 autres l’ont déjà été depuis le début de 2025.
Une liste tragiquement longue
Le cas de Goli Kouhkan rappelle d’autres affaires similaires :
Samira Sabzian Fard, condamnée à mort en 2023 pour le meurtre de l’homme qu’elle avait été forcée d’épouser à 15 ans.
Fatemeh Salbehi, pendue en 2015 pour le meurtre de son mari, qu’elle avait épousé à 17 ans après un interrogatoire sans avocat.
Zeinab Sekaanvand, exécutée en 2018 à 24 ans, pour avoir tué son mari violent qu’elle avait épousé à 15 ans après des années de viols et de sévices.
Dans les trois cas, les femmes avaient avoué sous la contrainte avant de se rétracter — et toutes ont été exécutées.
Une injustice emblématique
La situation de Goli Kouhkan incarne les inégalités structurelles en Iran : des femmes mineures mariées de force, privées d’accès à la justice, et souvent condamnées à mort pour avoir tenté d’échapper à la violence.
Sa survie dépend désormais d’une somme d’argent qu’elle n’a aucun moyen de réunir — et du regard du monde extérieur, capable peut-être de briser le silence avant qu’il ne soit trop tard.


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