mercredi 26 novembre 2025

La crise croissante des violences basées sur le genre en Iran : un quotidien officiel admet l’aggravation des inégalités et l’échec du système juridique

 Une rare reconnaissance de la part d’un journal contrôlé par le régime met en lumière l’augmentation alarmante des féminicides, des violences basées sur le genre, domestiques et de la discrimination systémique, alors que le gouvernement refuse toujours d’adopter des lois de protection.

Un récent article publié par le quotidien officiel du régime des mollahs iraniens Jahan-e Sanat révèle une hausse nette et inquiétante des violences basées sur le genre en Iran, constituant l’une des rares admissions par le régime d’une crise qu’il tente habituellement de dissimuler. L’article évoque un « cycle de discrimination et d’inégalité » dans lequel les femmes font face à des menaces croissantes, allant des violences domestiques jusqu’au meurtre, tandis que l’État échoue de manière persistante à fournir une protection juridique ou un soutien institutionnel.

Selon cet article, au moins 132 femmes ont été tuées en Iran au cours des six premiers mois de l’année en cours. Les chiffres mensuels indiquent 17 meurtres en avril, 31 en mai, 23 en juin, 23 en juillet, 23 en août et 15 en septembre. Beaucoup de ces femmes ont été assassinées par des proches — pères, maris ou frères — des cas qui reflètent des schémas enracinés de violences domestiques, de crimes dits « d’honneur » et de contrôle patriarcal incontrôlé.

Les provinces ayant enregistré le plus grand nombre de cas incluent Téhéran, le Sistan-Baloutchistan, le Khorasan e-Razavi, le Lorestan, le Mazandaran, le Fars, le Khouzistan et Ispahan. Ces données démontrent qu’il s’agit d’un problème national, et non d’incidents isolés.

Outre les féminicides, l’article met en évidence une hausse significative des violences domestiques. Citant des estimations non officielles, le quotidien note qu’environ 40 % des femmes iraniennes ont subi une forme de violence physique, sexuelle ou verbale au cours du premier semestre de l’année. Cette augmentation reflète en partie la crise économique qui aggrave les tensions au sein des foyers, mais elle expose également des défaillances structurelles profondes qui permettent à ces violences de prospérer.

L’avocate et militante des droits des femmes Shima Ghoosheh qualifie la situation de de plus en plus « préoccupante », soulignant que les conditions des femmes se sont dégradées au lieu de s’améliorer. Elle attribue cette détérioration à la fois aux difficultés économiques et à un cadre juridique intrinsèquement discriminatoire, voire parfois ouvertement hostile aux femmes. Elle insiste sur le fait que les femmes iraniennes participent aujourd’hui activement à la vie économique et sociale, mais que les lois qui régissent leur vie ne reflètent ni la réalité moderne ni l’égalité des droits.

Ghoosheh souligne plusieurs lacunes majeures du système juridique iranien, notamment le fait que les droits au divorce restent principalement entre les mains des hommes, laissant aux femmes peu de moyens d’échapper à un mariage abusif. Elle rappelle également que le régime refuse depuis longtemps de rejoindre la Convention sur l’élimination des violences à l’égard des femmes, malgré les débats répétés au Parlement. Les efforts pour faire adopter une loi nationale anti-violences contre les femmes stagnent depuis des décennies, circulant indéfiniment entre les institutions sans jamais être approuvés.

Le quotidien officiel reconnaît aussi l’absence de toute institution forte et indépendante dédiée à la défense des droits des femmes. Le seul organisme officiel — la vice-présidence chargée des Femmes et des Affaires familiales — a échoué, sous plusieurs administrations successives, à combattre les violences ou à promouvoir des réformes significatives. Ce vide institutionnel, avertit le rapport, a créé un environnement dans lequel les auteurs agissent en toute impunité, encouragés par des lois faibles et un manque d’application.

La publication d’un tel rapport dans un journal aligné sur le régime souligne la gravité de la crise et la difficulté croissante pour les autorités de la dissimuler. Au milieu des protestations nationales et des demandes grandissantes de justice, l’escalade des violences contre les femmes reflète un effondrement plus large de la responsabilité et un système de gouvernance incapable — ou non disposé — de protéger la moitié de sa population.

Le refus persistant de l’Iran d’adopter des lois protectrices, combiné à la crise économique et à un code juridique discriminatoire, a créé des conditions où les violences basées sur le genre sont non seulement répandues, mais souvent impunies. La reconnaissance par Jahan-e Sanat pourrait signaler une prise de conscience interne d’une urgence sociale qui continue de mettre en danger d’innombrables femmes à travers le pays.

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