mardi 5 août 2025

Le régime iranien lance une campagne d’arrestations visant les proches de prisonniers politiques

 Face à l’aggravation des crises politiques et économiques, le régime en place en Iran a engagé une campagne d’arrestations systématiques ciblant d’anciens prisonniers politiques, des sympathisants de la Résistance iranienne et, de manière particulièrement alarmante, leurs proches. Cette nouvelle vague répressive, méthodique et organisée, vise à museler la contestation, terroriser la population et prévenir tout soulèvement à venir.

Les détentions arbitraires, les passages à tabac, les interrogatoires musclés et les placements à l’isolement – touchant souvent des personnes âgées ou sans activité politique récente – constituent de graves violations des droits humains, voire des crimes contre l’humanité.

Cas documentés d’arrestations arbitraires

Famille Moazzami Goudarzi (à Boroujerd)

En juillet 2025, les forces de sécurité ont mené deux descentes au domicile du prisonnier politique Farzad Moazzami Goudarzi à Boroujerd :

– Le 21 juillet, au moins 17 agents sont entrés sans mandat judiciaire, ont agressé les membres de la famille et arrêté sa mère Leila Saremi et son père Ahmad Moazzami Goudarzi.

– Leila a été transférée au centre de détention du bloc Tircheh, placée à l’isolement et privée d’accès à un avocat.

– Le 29 juillet, les forces ont tenté d’arrêter Rozita Moazzami, la sœur de Farzad. En son absence, les agents ont clairement déclaré que Leila resterait détenue jusqu’à la reddition de Rozita — une prise d’otage d’État manifeste.

Leila est la fille d’Ali Saremi, militant politique exécuté en 2010. Farzad est également le cousin de Reza Moazzami Goudarzi, tué lors du soulèvement de novembre 2019.

Mohammad Benazadeh Amirkhizi – 79 ans (à Qom)

Ancien prisonnier politique, Mohammad Benazadeh Amirkhizi a été arrêté le 27 juillet 2025 à Qom, puis placé à l’isolement dans un centre du ministère du Renseignement. Âgé de 79 ans, il souffre d’un cancer de la prostate et de maladies chroniques. Ses frère et sœur, Ali et Sakineh Amirkhizi, ont été exécutés dans les années 1980 pour activités de résistance. Il a déjà été emprisonné à deux reprises (2008-2013 et 2017-2022) en lien avec l’OMPI.

Amirhossein Keshvarifar – 20 ans (à Khorramabad)

Étudiant, Amirhossein Keshvarifar a été arrêté le 20 juillet 2025 à son domicile, lors d’une perquisition sans mandat. Il aurait refusé de déverrouiller son téléphone. Il est le neveu de Mohammad et Mehdi Khodakarami, condamnés en mars 2023 à 8 et 4 ans de prison pour appartenance présumée à l’OMPI.

Autres cas :

  • Hossein Assemaninejad, 64 ans, chauffeur de VTC et ancien prisonnier des années 1980 (arrêté le 1er juillet à Kiashahr).

  • Hamidreza Maki, 68 ans, technicien à Karaj et frère de Majidreza Maki, actuellement détenu à Fashafouyeh (arrêté le 28 juin).

  • Morteza Asadi, 47 ans, docteur en sciences politiques et ancien enseignant à Téhéran (arrêté le 21 juin).

  • Nader Teimouri, ancien détenu et témoin du massacre de 1988 (arrêté le 21 juin à Sorkheh Hesar, Téhéran).

Répression généralisée : une stratégie de contrôle préventif

Dans des dizaines de villes à travers le pays, le régime cible anciens militants, étudiants, internautes et même adolescents. Le 23 juillet, Shahin Zoghitabar, 38 ans, ancien prisonnier politique, a été arrêté lors d’un raid nocturne par les services de renseignement des Gardiens de la révolution, puis transféré vers un lieu inconnu.

Menées sans mandat, souvent accompagnées de menaces et de tortures psychologiques, ces arrestations s’inscrivent dans une politique d’État visant à imposer un climat de peur, pour empêcher la réorganisation de mouvements sociaux ou de manifestations.

Analyse juridique : des violations graves du droit international

Les actions du régime violent plusieurs dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), auquel l’Iran est partie :

  • L’arrestation de Leila Saremi comme levier contre sa fille constitue une punition collective et une forme de prise d’otage, en violation des articles 9 (protection contre les arrestations arbitraires) et 10 (traitement digne des détenus).

  • L’arrestation d’individus âgés et malades comme Mohammad Benazadeh Amirkhizi viole leur droit à la santé et à un traitement humain (articles 7 et 10).

  • Les perquisitions nocturnes sans mandat, l’absence d’avocat et les détentions incommunicado bafouent les garanties de procédure (articles 14 et 17).

Il s’agit non seulement de violations individuelles, mais d’une politique répressive systémique, susceptible de relever du droit pénal international.

Impact humain et social : la répression devient héréditaire

En visant les familles, le régime cherche à inscrire la terreur dans la durée. La famille Moazzami Goudarzi illustre cette tendance :

La répression ne se contente plus de punir les individus ; elle se transmet de génération en génération.

Arrêter des mères, menacer des sœurs, emprisonner des personnes âgées… L’objectif est clair : faire passer ce message glaçant — résister, c’est condamner toute sa famille.

Cette stratégie sape la confiance sociale, fragilise les réseaux de solidarité et propage un traumatisme psychologique collectif bien au-delà des murs des prisons. Il ne s’agit plus seulement d’éteindre l’opposition, mais de détruire le tissu social qui la nourrit.

Conclusion : un appel urgent à la communauté internationale

Cette nouvelle vague répressive, qui rappelle les massacres de 1988 et les exécutions massives des années 1980, marque un tournant inquiétant. Le régime iranien réactive les méthodes de punition collective et de répression préventive pour écraser toute dissidence.

Le rapporteur spécial de l’ONU, Javaid Rehman, a récemment alerté sur les exécutions de Mehdi Hassani et Behrouz Ehsani, qualifiant la situation de retour aux crimes d’État. La déléguée Mai Sato a également exprimé sa préoccupation face aux arrestations familiales et aux exécutions politiques. Amnesty International appelle à une enquête internationale sur ce qui pourrait constituer un crime contre l’humanité.

Nous appelons le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies à :

  • Mettre en place une mission d’enquête spéciale sur les arrestations documentées dans ce rapport ;

  • Saisir l’Assemblée générale de l’ONU et les organes internationaux compétents sur la situation des droits humains en Iran ;

  • Dépêcher en urgence le rapporteur spécial de l’ONU sur l’Iran pour enquêter sur les cas détaillés.

Se taire face à cette escalade, c’est devenir complice d’une atrocité en cours.
Il est encore temps d’agir — avant qu’il ne soit trop tard.

Source : CSDHI 

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