mardi 29 juillet 2025

« Comme nous nous accrochons à la vie » – Lettre d’une prisonnière politique, Golrokh Ebrahimi Iraee, à propos de l’exécution de deux prisonniers politiques

 Le 27 juillet 2025, le régime iranien a exécuté deux prisonniers politiques — Behrouz Ehsani et Mehdi Hassani — dans le silence et sans aucune procédure régulière, annonçant leur mort via un bandeau défilant à la télévision d’État. Depuis l’intérieur de la prison de Qarchak, la prisonnière politique et écrivaine Golrokh Ebrahimi Iraee a rédigé ce témoignage bouleversant. Elle y exprime le deuil collectif, la défiance et l’esprit de résistance tenace qui unit les militantes incarcérées.

Comme nous nous accrochons à la vie

Par la prisonnière politique Golrokh Ebrahimi Iraee – Prison de Qarchak, juillet 2025

« La nouvelle est arrivée.
De là-bas.
D’eux.
Leurs vêtements étaient immaculés. Leur front, sans pli. »

Le matin du 27 juillet 2025,
l’exécution par le régime de deux prisonniers politiques
défilait discrètement au bas de l’écran de la chaîne d’information d’État.
Dans le quartier de quarantaine de la prison de Qarchak,
nous étions alignées sous l’écran vacillant de la télévision,
silencieuses.
Personne ne pouvait parler.
Une lourde douleur emplissait l’air, comme de la fumée.
Les yeux s’embuèrent.
Nous sommes restées figées, sidérées.
Quelques instants plus tard, les noms ont été ajoutés :
Mehdi Hassani. Behrouz Ehsani.
Nous n’avions jamais vu leurs visages,
jamais entendu leurs voix —
et pourtant, nous les connaissions intimement.
C’était comme si des fragments de notre propre chair avaient été envoyés à la potence —
et en vérité, c’était bien le cas.
Pendant des mois, leurs noms résonnaient avec les nôtres —
dans nos slogans, nos chants,
nos cris des « Mardis contre les exécutions ».
Nous avions crié pour eux,
parlé d’eux à travers les murs de la prison,
les avions associés à d’autres camarades condamnés à mort.
Et maintenant, ils avaient été emmenés.
Exécutés.
Et leur absence
remplissait nos poitrines de rage, de douleur lancinante.
Nous nous sommes murmurées :
« Nous savons qu’ils ont tenu bon. Nous savons qu’ils ont résisté… »
Nous étions secouées par tant de cruauté —
mais elle ne nous était pas étrangère.

Ils les ont traînés enchaînés

Les agents de la répression sont venus chercher Behrouz et Mehdi
à coups de poing, à coups de chaînes,
les traînant hors de leurs cellules.
Ils avaient déjà transféré Saeed Massouri —
notre symbole de résistance,
un homme emprisonné depuis vingt-cinq ans sans interruption —
vers une autre prison,
et maintenant, ils emmenaient Behrouz et Mehdi
vers l’exécution.

Comme nous nous accrochons à la vie…

À la tombée de la nuit, nous avions essuyé la poussière du deuil sur nos visages,
avalé la boule dans nos gorges.
Nous avons même ignoré les ricanements cruels de quelques codétenues endurcies — des rires qui griffaient l’âme.
Main dans la main,
nous avons élevé la voix.
Nous avons chanté l’hymne de la résistance.
Nous avons honoré la mémoire de ces deux hommes
qui avaient suivi le chemin de la liberté jusqu’au bout.
Ils avaient vécu, jusqu’au dernier souffle,
la vérité contenue dans les mots de Nazim Hikmet :

« Je sais qu’ils ont regardé l’ennemi droit dans les yeux avec un sourire.
Aucun pli n’a marqué leur front… »

Leur mémoire est sacrée.
Leur chemin — pavé de courage et de sacrifice — sera suivi.

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