Le massacre de 1988
En juillet 1988, après l’acceptation par l’Iran de la résolution 598 du Conseil de sécurité des Nations unies, qui appelait à un cessez-le-feu dans la guerre Iran-Irak qui durait depuis huit ans, le gouvernement iranien a lancé une série d’exécutions massives visant des prisonniers politiques. Selon les estimations, jusqu’à 30 000 personnes auraient été pendues à l’issue de procès sommaires lors du massacre de 1988. La plupart d’entre eux étaient affiliés à l’Organisation des Moudjahidine du peuple iranien (OMPI), un groupe d’opposition. Ces exécutions extrajudiciaires précipitées et ces disparitions forcées ont été largement condamnées comme des crimes contre l’humanité, notamment dans un rapport historique publié en 2024 par le Rapporteur spécial des Nations unies sur la situation des droits de l’homme en République islamique d’Iran.
Similitudes avec la situation actuelle
Le récent conflit entre l’Iran et Israël, qui s’est conclu par un cessez-le-feu le 25 juin 2025, a été suivi d’une augmentation marquée de la répression interne par les autorités iraniennes :
- Augmentation du nombre d’exécutions : depuis l’entrée en fonction du président Masoud Pezeshkian il y a un an, près de 1 400 exécutions ont été effectuées, dont environ 691 rien qu’en 2025.
- Prisons politiques : des dizaines de prisonniers politiques sont actuellement dans le couloir de la mort, dont 15 condamnés pour des chefs d’accusation tels que « guerre contre Dieu » (moharebeh) pour leur soutien présumé à l’OMPI.
- Rhétorique approuvée par l’État : le 7 juillet 2025, Fars News, affilié au Corps des gardiens de la révolution islamique (les pasdarans), a publié un éditorial intitulé « Pourquoi les exécutions de 1988 devraient être répétées », louant ce massacre comme une « expérience historique réussie » et préconisant des mesures similaires à l’encontre des détenus actuels.
- Alerte de l’ONU : Le 4 juillet 2025, dix titulaires de mandats au titre des procédures spéciales de l’ONU ont exprimé leur inquiétude face à la répression depuis le début des hostilités le 13 juin 2025, soulignant que la rhétorique des médias d’État, y compris les appels à la « surveillance » et aux « meurtres », fait écho aux « atrocités de 1988 ».
- Nouvelles condamnations à mort : Le 12 juillet 2025, trois militants de l’opposition, Farshad Etemadi-Far, Masoud Jamei et Alireza Mardasi, ont été condamnés à mort par la première chambre du tribunal révolutionnaire d’Ahvaz après deux ans de torture, accusés d’avoir « déclaré la guerre à Dieu » (moharebeh) pour leur soutien à l’opposition OMPI.
- Rejet des demandes de révision judiciaire : Le 13 juillet 2025, la Cour suprême a rejeté une quatrième demande de révision judiciaire pour les prisonniers politiques condamnés à mort Behrouz Ehsani et Mehdi Hassani, tous deux affiliés à l’OMPI, les laissant dans un risque imminent d’exécution.
- Tentative de disperser les prisonniers irréductibles : le 17 juillet 2025, le prisonnier politique Saeed Masouri, figure clé de la campagne « Non aux exécutions le mardi », a fait sortir clandestinement une lettre de la prison de Qezel Hesar après une tentative de transfert forcé. Il a averti que son transfert hors de cette prison ouvrait la voie à l’exécution des condamnés à mort. Il a ajouté que, tout comme en 1988, « un crime était en cours ».
Le 19 juillet 2025, les responsables de la prison ont informé Saeed Masouri qu’il serait exilé à la prison de Zahedan.
Parallèles entre le massacre de 1988 et aujourd’hui
La situation actuelle reflète les événements de 1988 à plusieurs égards :
- Répression d’après-guerre : tout comme le massacre de 1988 ont suivi le cessez-le-feu entre l’Iran et l’Irak, la vague actuelle de répression s’est intensifiée à la suite du récent cessez-le-feu avec Israël.
- Utilisation de prétextes liés à la sécurité nationale : dans les deux cas, le régime a utilisé le prétexte des menaces à la sécurité nationale pour justifier la répression de la dissidence politique.
- Ciblage de l’opposition : l’OMPI était la cible principale en 1988 et fait à nouveau l’objet d’une persécution accrue.
- Absence de procédure régulière : les procédures judiciaires accélérées et secrètes rappellent les exécutions sommaires menées en 1988.
Recommandations pour une action internationale
Afin d’éviter que des atrocités similaires à celles de 1988 ne se reproduisent, la communauté internationale doit prendre des mesures immédiates et décisives :
- Condamnation publique : les organes des Nations unies, notamment le Rapporteur spécial sur l’Iran et le Haut-Commissaire aux droits de l’homme, devraient publier des déclarations fermes condamnant les récentes exécutions et les discours prônant la poursuite des violences.
- Inclusion dans les résolutions de l’ONU : les États qui parrainent les résolutions de l’ONU sur l’Iran devraient faire explicitement référence au massacre de 1988 et aux risques actuels de récidive de tels crimes.
- Sanctions ciblées : les États devraient mettre en œuvre des sanctions ciblées contre les personnes et les entités responsables de violations des droits humains, y compris celles impliquées dans la récente vague d’exécutions.
- Enquêtes internationales : les États devraient soutenir et élargir les enquêtes internationales indépendantes sur les violations actuelles des droits humains en Iran. Plus précisément, la Mission d’enquête internationale indépendante sur l’Iran (FFMI) devrait documenter de manière exhaustive les abus récents, afin de garantir la responsabilité et de dissuader de nouvelles atrocités.


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