mercredi 30 juillet 2025

Escalade alarmante du recours à la peine de mort en Iran, notamment pour des accusations à motivation politique

 ICDP – Déclaration de la Commission internationale contre la peine de mort : Madrid, 29 juillet 2025

ICDP 13/2025

La Commission internationale contre la peine de mort (ICDP ou la Commission) exprime sa plus vive inquiétude face à l’escalade du recours à la peine de mort en République islamique d’Iran, pays qui figure déjà parmi ceux pratiquant le plus grand nombre d’exécutions au monde. Le Haut-Commissariat aux droits de l’homme de l’ONU estime qu’au moins 612 exécutions ont été menées par les autorités au cours du premier semestre 2025, alors qu’elles étaient estimées à environ 297 pour la même période en 2024. Les communautés minoritaires continuent d’être touchées de manière disproportionnée.

« L’ampleur alarmante et la nature arbitraire des exécutions aujourd’hui en Iran traduisent une attaque systémique contre la vie, la dignité et la justice, et servent à instaurer la peur », a déclaré Navi Pillay, présidente de l’ICDP.
« Je me joins à mes collègues commissaires pour exprimer notre profonde inquiétude face à l’augmentation du nombre d’exécutions menées par les autorités iraniennes, d’autant plus que, selon des sources crédibles, ces exécutions font suite à des procès à huis clos ou manifestement inéquitables. Les rapports font état de tortures généralisées, de déni d’accès à un avocat, d’aveux extorqués sous la contrainte, et dans de nombreux cas, les familles ne sont pas informées des exécutions, qui sont conduites dans le plus grand secret, empêchant toute responsabilité ou contrôle public. Seule une minorité d’exécutions est officiellement reconnue par les autorités.
La peine capitale est de plus en plus utilisée comme outil d’intimidation, de contrôle et de répression des voix dissidentes, notamment à l’encontre des couches les plus marginalisées de la société, en particulier dans un contexte de tensions accrues comme celles liées à l’escalade des hostilités contre Israël en juin dernier. »

Le 27 juillet, l’ICDP a reçu des informations indiquant que deux hommes, Behrouz Ehsani, 70 ans, et Mehdi Hassani, 49 ans, ont été exécutés par pendaison dans le secret, après avoir été condamnés à mort sur la base d’accusations politiquement motivées et vaguement formulées, telles que :

  • « Rébellion armée contre l’État » (baghy)

  • « Corruption sur terre » (efsad-e fel-arz)

  • « Inimitié envers Dieu » (moharebeh)

Ces accusations étaient liées à leur affiliation présumée à l’Organisation des Moudjahidines du Peuple d’Iran (OMPI), un groupe d’opposition interdit.

Selon les rapports, ils ont été torturésdétenus au secret pendant de longues périodesprivés de contact avec leurs avocats pendant près de deux ans, puis jugés lors d’un procès expéditif où ils n’ont pas été autorisés à se défendre. Leurs exécutions ont été menées sans préavis, privant leurs familles d’un dernier adieu, alors qu’un recours était en cours.
Depuis leur détention, M. Ehsani et M. Hassani avaient participé à une campagne intitulée « Les mardis contre la peine de mort », observant une grève de la faim chaque mardi pendant 18 mois.

L’ICDP s’inquiète également des informations selon lesquelles des dizaines d’autres personnes seraient menacées d’exécution pour des accusations politiques, notamment :

  • l’universitaire irano-suédois Ahmadreza Djalali,

  • trois femmes dont la défenseure des droits des femmes Shairfeh Mohammadi,

  • la dissidente kurde Verisheh Moradi,

  • l’humanitaire kurde Pakhshan Azizi,

  • au moins neuf personnes liées aux manifestations « Femme, Vie, Liberté »,

  • et sept autres accusées d’espionnage.

L’ICDP craint une accélération des exécutions comme celles de M. Ehsani et M. Hassani, à la suite de rapports faisant état d’un projet de loi d’urgence en attente d’approbation finale, visant à élargir le champ d’application de la peine de mort. Cela s’accompagne, selon les sources, d’une augmentation des arrestationsd’ordres officiels inquiétants pour accélérer les procès et les exécutions, notamment après les récents affrontements avec Israël.

La Commission est préoccupée par l’usage disproportionné de la peine capitale à l’encontre des minorités ethniques et religieuses, notamment les Baloutches et les Kurdes. Des rapports indiquent que les Baloutches représenteraient plus de 20 % des exécutions, alors qu’ils ne constituent que 2 à 4 % de la population iranienne. On estime également qu’environ 100 Kurdes — soit près d’une exécution sur six — ont été exécutés en 2025. Des ressortissants afghans, ainsi que des personnes binationales ou étrangères, auraient également été exécutés sans procès équitable ni accès consulaire.

En outre, plus de 40 % des exécutions — représentant des centaines de personnes selon les estimations — concernent des infractions liées à la drogue. Or, il est prouvé que la peine capitale ne dissuade pas ces crimes, d’autant plus dans un contexte marqué par :

  • l’arbitraire des procédures,

  • le secret entourant les condamnations,

  • l’absence de garanties procédurales,

  • le recours systémique à la torture et aux mauvais traitements pour extorquer des aveux,

  • le déni d’accès à la défense,

  • la disproportion de l’application de la peine de mort sur les minorités,

  • et des procès où les accusés ont peu ou pas la possibilité de se défendre.

L’ICDP appelle les autorités iraniennes à rompre avec la peine de mort en instaurant un moratoire, en vue de son abolition définitive. La peine capitale n’a pas sa place dans le monde actuel, comme en témoignent les pratiques internationales :

  • au moins 113 pays ont aboli la peine de mort pour tous les crimes,

  • plus de 140 ne procèdent à aucune exécution, en droit ou en pratique.

Les autorités iraniennes doivent rejoindre cette tendance mondiale en faveur des droits humains, fondée sur le respect, la réalisation et la protection du droit fondamental à la vie.


Contexte
La Commission internationale contre la peine de mort est actuellement composée de 25 commissaires de renommée internationale, ayant exercé des fonctions de haut niveau dans la vie publique et les droits humains. Son action est soutenue par un Groupe de soutien de 24 États membres engagés pour l’abolition de la peine capitale, représentant toutes les régions du monde.

La Commission agit en toute indépendance sous la direction de sa présidente, la juge Navi Pillay. Elle œuvre à promouvoir l’abolition de la peine de mort en droit dans les pays observant un moratoire de facto, et à instaurer un moratoire sur les exécutions dans les États qui conservent la peine capitale.

L’ICDP collabore avec les Nations Unies, d’autres organisations internationales et régionales, des gouvernements et des ONG pour plaider en faveur de l’abolition universelle de la peine de mort. Son Secrétariat, basé à Madrid, assure le fonctionnement quotidien de la Commission.

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