Décrochage scolaire et analphabétisme
Les chiffres officiels révèlent qu’au cours de l’année scolaire 2022-2023, au moins 929 798 élèves ont abandonné l’école. L’UNICEF estime que ce nombre dépasse le million, tandis que certains parlementaires iraniens admettent qu’il pourrait atteindre deux millions d’enfants privés de scolarité.
Abdolreza Fouladvand, directeur de l’Organisation du Mouvement d’Alphabétisation, a reconnu qu’environ 18 millions d’Iraniens sont analphabètes ou en situation d’illettrisme (Tasnim, décembre 2023). Le taux de décrochage est particulièrement élevé dans le secondaire, touchant plus de 556 000 adolescents de 15 à 17 ans. Au primaire, le taux d’abandon a atteint 1,2 %, un signal d’alerte préoccupant. Selon le centre de recherche parlementaire, 42 % des enfants achevant l’école primaire ne maîtrisent toujours pas la lecture.
Pauvreté et coût de l’éducation

La pauvreté généralisée et le coût élevé de l’éducation constituent les principales causes de ce phénomène de refus du droit à l’éducation. Amir Toyserkani, vice-président de l’Association des fabricants de fournitures scolaires, a indiqué que les familles de près de cinq millions d’élèves ne peuvent même pas acheter les fournitures de base (septembre 2025). Un simple uniforme scolaire coûte désormais plus de 1,5 million de tomans, soit plus d’une semaine de salaire minimum.
Soixante-dix pour cent des élèves décrocheurs appartiennent aux cinq déciles de revenu les plus bas. À l’inverse, environ un million d’enfants fréquentent des écoles privées facturant entre 35 et 80 millions de tomans par an, tandis que les écoles publiques manquent cruellement de moyens. Cette inégalité flagrante a transformé l’éducation en un privilège réservé aux plus aisés. Par ailleurs, la dépense annuelle par élève en Iran ne dépasse pas 300 $, contre une moyenne mondiale de 9 313 $.
Groupes particulièrement marginalisés
Certaines catégories d’enfants sont touchées par ce refus du droit à l’éducation de manière disproportionnée :
– Enfants travailleurs : près de 48,7 % d’entre eux sont exclus de l’école et plus de 21 % souffrent de malnutrition.
– Filles et mariages précoces : selon l’UNICEF, 17 % des femmes âgées de 20 à 24 ans ont été mariées avant 18 ans. Plus d’un million de filles de moins de 18 ans ont été mariées au cours de la dernière décennie, et au moins 15 000 ont donné naissance avant 15 ans (ISNA, 2022). Dans la province du Sistan-et-Balouchistan, 46 % des filles quittent l’école faute d’établissements à proximité ou de routes sûres.
– Minorités religieuses : rien qu’en 2018, 58 étudiants bahaïs ont été exclus des universités. Les enfants issus de confessions non reconnues sont systématiquement discriminés.
– Enfants réfugiés afghans : leur scolarisation massive, sans infrastructures adaptées, entraîne des classes surchargées et une baisse de la qualité de l’enseignement.
– Enfants en situation de handicap : environ 15 % de ces enfants en âge d’être scolarisés ne fréquentent aucune école (UNICEF).
Répression dans les écoles

Lors des manifestations nationales de 2022-2023, des protestations ont eu lieu dans au moins 1 700 lycées, avec une forte participation des filles. En mai 2025, le chef du pouvoir judiciaire, Gholamhossein Mohseni Ejei, a reconnu que plus de 90 000 élèves, enseignants et professeurs avaient été arrêtés lors du soulèvement de 2022 (Tasnim, mai 2025).
Au moins 599 manifestants ont été tués, dont 78 mineurs et 94 femmes. Quatorze élèves ont été formellement identifiés parmi les victimes, tandis que des centaines d’adolescents et de jeunes ont été abattus dans les rues ou torturés à mort en détention.
En septembre 2025, deux étudiants primés de l’université Sharif, Amirhossein Moradi et Ali Younesi, ont publié depuis leur cellule une déclaration conjointe :
« Ce qui relie nos mains en prison à l’université, c’est la détermination à résister à toute forme de dictature. Si une cellule peut devenir un champ de bataille, une salle de classe le peut aussi. »
Cette répression viole l’article 37 de la CDE et les articles 6, 7, 19 et 21 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), qui garantissent le droit à la vie, la protection contre la torture, la liberté d’expression et de réunion pacifique.
Effondrement de la qualité et militarisation des écoles
Le système éducatif iranien est en crise : il manque plus de 102 000 salles de classe, et 120 000 autres sont structurellement dangereuses. À Téhéran, 80 % des écoles sont jugées non sûres, et des milliers d’enfants étudient dans des conteneurs ou des bâtiments en terre battue (Tasnim, janvier 2024).
Moins de 3 % du budget de l’éducation est consacré aux besoins hors salaires, tels que les infrastructures. Les 3 milliards de dollars promis pour la rénovation scolaire en 2017 n’ont jamais été débloqués : seuls 1,4 % ont effectivement été dépensés.
Dans les évaluations internationales, les élèves iraniens ont obtenu un score de 413 à l’étude PIRLS 2021, l’un des plus faibles au monde. Plutôt que de répondre à cette crise, le régime a signé un accord avec la police nationale pour assurer la sécurité dans les écoles et même intervenir dans les programmes scolaires. Le ministre de l’Éducation Pezeshkian s’est déclaré « soldat du commandant Radan », chef de la police.
Réactions internationales

Les organisations internationales multiplient les alertes sur ces violations du droit à l’éducation :
– UNICEF : dénonce chaque année la privation de scolarité pour plus d’un million d’enfants iraniens, en particulier parmi les travailleurs, les filles, les enfants handicapés et les réfugiés.
– UNESCO : dans le cadre de son programme « Éducation pour tous », constate que l’Iran reste en retard et consacre moins de 2 % de son PIB à l’éducation.
– Conseil des droits de l’homme de l’ONU : ses rapporteurs spéciaux dénoncent régulièrement l’exclusion systématique des minorités religieuses, notamment les bahaïs.
– Comité des droits de l’enfant de l’ONU : dans ses examens de 2016 et 2020, il s’inquiète du mariage des enfants et du refus d’éducation pour les réfugiés afghans et les filles iraniennes.
Ces prises de position confirment que la crise éducative en Iran n’est pas un simple problème interne, mais une violation manifeste d’obligations internationales.
Analyse et conclusion
Le régime iranien viole plusieurs textes internationaux :
– DUDH (art. 26) : droit universel à une éducation gratuite et équitable.
– PIDESC (art. 13) : droit à l’éducation pour tous.
– CDE (art. 28, 37) : droit à l’éducation et protection contre la détention arbitraire et la torture.
– PIDCP (art. 6, 7, 19, 21) : droit à la vie, interdiction de la torture, liberté d’expression et de réunion.
Ces violations du droit à l’éducation entraînent :
– La reproduction de la pauvreté et des inégalités.
– La destruction de l’égalité des chances.
– La privation d’avenir pour toute une génération.
L’UNICEF et le Conseil des droits de l’homme de l’ONU sont appelés à :
Reconnaître la crise éducative iranienne comme une urgence en matière de droits humains.
Tenir le régime pour responsable et mettre fin à la discrimination et à la militarisation des écoles.
Mettre en place des programmes d’urgence pour aider les enfants défavorisés, en particulier les filles, les minorités et les enfants travailleurs.
La privation systématique du droit à l’éducation pour des millions d’enfants en Iran n’est pas seulement un échec politique : c’est un crime contre l’avenir d’une nation.


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