samedi 8 mars 2025

Le 8 mars à la prison d’Evin – Un témoignage de lutte et de résistance de Forough Taghipour

 À l’occasion de la Journée internationale de la femme, la prisonnière politique Forough Taghipour, actuellement détenue dans le quartier des femmes de la prison d’Evin, a rédigé un témoignage relatant de ses années de résistance, d’emprisonnement et de défi inébranlable face à la tyrannie religieuse. Familiarisée avec les notions de prison et de répression depuis son enfance, elle raconte ses expériences personnelles et le chemin ardu que les femmes iraniennes ont parcouru dans leur quête de liberté et d’égalité. Inspirée par Maryam Radjavi, Forough Taghipour entrevoit un avenir libéré de l’oppression et de l’injustice, réaffirmant sa foi inébranlable dans le changement et en la victoire finale.

Forough Taghipour a été libérée en février 2023 après avoir purgé trois ans de prison, avant d’être à nouveau arrêtée le 21 août 2023. Le 14 février 2024, la 26e chambre du tribunal révolutionnaire de Téhéran l’a condamnée à 15 ans de prison.

La prison n’a pas pu briser le rêve de liberté

À l’occasion de la Journée internationale de la femme

Je m’appelle Forough Taghipour, j’ai 30 ans et je suis titulaire d’une licence en comptabilité de l’université des sciences appliquées et de la technologie. À ce jour, j’ai passé quatre ans derrière les barreaux.

Dès l’enfance, le mot « prison » m’était familier. Avant même ma naissance, mes parents avaient chacun passé des années enfermés – mon père pendant dix ans, ma mère pendant cinq ans – derrière des murs que, mon imagination d’enfant ne le pouvait concevoir autrement que comme une « obscurité sans fin ». Mon oncle et deux de mes tantes ont été exécutés alors qu’ils avaient une trentaine d’années.

En grandissant, j’ai ressenti de plus en plus le poids des contradictions : la discrimination basée sur le genre, l’inégalité des chances en matière d’éducation et d’emploi, et l’absence des libertés les plus élémentaires en tant que femme.

Des années ont passé avant que je ne comprenne pleinement la répression brutale infligée aux dissidents, en particulier aux membres et aux sympathisants de l’Organisation des moudjahidines du peuple iranien (OMPI), ainsi que l’oppression redoublée subie par les femmes de mon pays.

J’ai alors compris que les femmes de mon pays étaient la seule force capable de briser ces chaînes et d’ouvrir les portes de l’avenir.

C’est au cours de ce cheminement que j’ai découvert Maryam Radjavi. J’ai voulu en apprendre davantage sur elle, comprendre ses idées et sa vision—et j’ai été stupéfaite de réaliser que ce qu’elle défendait correspondait exactement à l’aspiration profonde du peuple iranien depuis si longtemps.

Depuis plus d’un siècle, d’innombrables vies ont été sacrifiées à la poursuite de cet idéal, de Sattar Khan et Mirza Kuchak Khan à Mossadegh, Hanifnejad et Jazani.

De Maryam, j’ai appris à tenir bon face aux difficultés et à m’élever au-dessus de la fragilité. En tant que leader, elle m’a enseigné qu’on peut et doit surmonter tout ce qui paraît impossible. Elle m’a montré que l’on ne peut pas et que l’on ne doit pas exclure autrui en adoptant une vision négative, ni se prétendre supérieur en repoussant les autres en marge. La seule voie possible consiste à se battre et à persévérer avec honnêteté et courage pour l’égalité et la liberté.

Il y a quelques jours seulement, lorsque des extraits de son discours à l’occasion de la Journée internationale des femmes m’ont été parvenus, j’ai de nouveau été saisie d’émerveillement. Comment a-t-elle, à travers cette lutte extraordinaire, forgé un modèle historique pérenne pour les femmes iraniennes ?


Comment a-t-elle transformé le rôle des femmes à l’avant- garde dans la plus longue, la plus sanglante et la plus complexe bataille de l’histoire de l’Iran en un phénomène sans précédent, inégalé dans le monde entier ?

Comment se sont-elles rebellées contre la culture de l’assujettissement et de l’impuissance des femmes ? Comment ont-elles cultivé une force collective d’unité – où chaque membre fait partie d’un seul corps, avançant ensemble, unies par un but commun et une volonté partagée ?

Une collectivité née de l’acte de sacrifice de soi pour autrui, c’est ainsi que ces femmes ont forgé leur unité. Grâce à un lien aussi indestructible, elles ont exploité le pouvoir du leadership, le sens des responsabilités et les possibilités stratégiques que recèle la lutte. Elles ont découvert les principes du travail collectif, se renforçant et devenant chaque jour plus unies et résolues.

Aujourd’hui, j’ai moi aussi passé près de cinq ans derrière les barreaux, emprisonnée uniquement pour mes convictions.

Il semble que, dans la misérable existence des dictateurs, la répétition soit devenue une habitude.
Bien qu’ils cherchent à me réduire au silence, ma voix et mes revendications résonnent à travers les mots de Maryam, un appel inébranlable contre l’oppression et la discrimination.

Tout au long de ces années passées en prison, j’ai rencontré un large éventail de femmes meurtries de mon pays. Chacune de leurs souffrances est devenue une force qui a renforcé mes pas, me propulsant avec une détermination encore plus grande sur le chemin de la liberté.

J’entends les voix des femmes pionnières qui ont enduré l’emprisonnement tant sous la dictature du chah que sous celle des mollahs, et dont les noms sont encore gravés sur les murs de ces cellules de prison. Des femmes comme Fatemeh Amini, Marzieh Ahmadi Oskouei et Achraf Radjavi– qui ont dénoncé la tyrannie et dont le sang versé éclaire aujourd’hui mon chemin comme une source de lumière.

Je suis fière de la justesse de cette lutte, qui a fleuri de leur génération à la mienne, portant toujours davantage de fruits à chaque époque qui passe.

J’ai également été heureuse d’apprendre que les camarades de cette génération ont rouvert le dossier contre Parviz Sabeti, un tortionnaire notoire de la SAVAK, pour les crimes qu’il a commis contre des prisonniers – ici même, dans la prison d’Evin. Mon oncle martyr a été torturé par ces mêmes bourreaux sous le règne du chah, puis exécuté sous le régime des mollahs. Comme si le régime clérical s’était contenté d’achever ce que le chah avait laissé inachevé.

En effet, le jour des comptes est proche – le jour où tous ceux qui ont privé le peuple de son droit à la vie devront rendre des comptes.

Et maintenant, après toutes ces années, je sais que même les murs les plus sombres peuvent se transformer en l’infini bleu de la mer- tout aussi libre, tout aussi féroce.

On peut choisir de ne pas voir les murs et de s’immerger totalement dans la cause de la liberté de l’Iran.

Aujourd’hui, une nouvelle génération, inspirée par Maryam, s’est levée – une génération qui porte le flambeau de la résistance vers des sommets toujours plus élevés.

Forough Taghipour

Prisonnière politique, sympathisante de l’Organisation des Moudjahidines du peuple iranien

8 mars 2025

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